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Critique de Eskalion


Il y a trois ans de cela, je recevais un petit bouquin d'une centaine de pages tout au plus, d'un auteur totalement inconnu, Jérémie Guez. Édité chez LA TENGO , ce premier roman fut une véritable claque et mon gros et unique coup de coeur de l'année 2011. Comment imaginer qu'un gamin d'à peine 23 ans, sorti de nul part , puisse écrire un roman aussi fort , aussi percutant et noir , aussi magistralement désespéré que "Paris la Nuit" ?

Alors que l'image d'Abraham le braqueur malheureux, venait parfois hanter les ruelles sombres de mon imaginaire, que les dialogues raisonnaient encore sur les murs de ma mémoire, arrivait un an plus tard son second roman "Balancé dans les cordes".

La sensation devenue certitude d'un immense talent, d'une plume trempée à l'acide et d'un style incisif, mis au service de losers magnifiques à la vie écorchée. Des condamnés à la chute mais qui jusqu'au bout gardent dans leur yeux une infime lueur qui ne veut obstinément pas s'éteindre et les raccroche au genre humain.cellule

Et cet étonnement toujours présent, grandissant. Incroyable auteur, si jeune et capable de donner à ses romans une profondeur, un relief, une intensité émotionnelle que seuls des bourlingueurs de la vie ou les auteurs ayant poli leur art à la meule du temps sont en principe capables de produire.

Cette année, Jérémie Guez nous livre son troisième roman, ultime opus qui s'inscrit dans cette trilogie qui lui aura donné en quelques mois une notoriété méritée et ses premières récompenses littéraires ( Prix Plume Libre pour « Paris la nuit », prix SNCF du polar, prix Sang d'Encre pour « Balancé dans les cordes ». Deux premiers romans en cours d'adaptation cinématographique.).

» du vide plein les yeux» vient s'inscrire dans la lignée de ses deux prédécesseurs. Après l'histoire d' Abraham, et de Tony, voici celle d'Idir.

A trente balais, Idir sort de taule. Six mois à l'ombre, pour la première fois. Pour avoir eu le tort d'aliéner un temps sa liberté à l'amitié qui le liait à un pote, en fracassant pour lui le portrait d'un type, fils d'un magnat de la presse. Six mois. C'est bien assez pour vous changer un homme et jeter sur la famille la tâche indélébile de la honte.

Car à l'inverse des personnages des précédents romans de Jérémie Guez, Idir lui n'est pas issu du monde des petites gens besogneuses, des quartiers difficiles baignés dans la détresse sociale. Son père a beau être un kabyle issu d'une famille pauvre, il a réussi à s'intégrer en France, à devenir médecin et donner à sa famille un statut sociale que beaucoup lui envie. Aussi, l'écart de conduite du fils passe mal .

Parce qu'il faut bien remplir sa vie, Idir s'improvise détective privé, sans carte, sans flingue et sans local. Parce qu'il n'est pas un voyou non plus, il rends des services à droite à gauche, des filatures pour homme jaloux ou pour femmes suspicieuses, quelques intimidations parfois mais rien de bien méchant. Plus de sang sur les mains. le statut social de sa famille lui permets de se mettre au service des milieux aisés.

Pourtant, en acceptant de rechercher le frère disparu de celui-là même qui l'avait envoyé en prison, tout en tentant de remettre la main sur la voiture volée d'Eric, le père de son ancien pote, Idir va se retrouver embarqué dans des histoires qui ne manqueront pas de l'entraîner sur des chemins qu'il s'était bien gardé de vouloir emprunter. Une nouvelle fois, le personnage de Jérémie Guez va perdre rapidement le contrôle de son propre destin.

Ce troisième roman vient confirmer, si on en doutait encore, tout le talent de son auteur. Jérémie GUEZ est un auteur de roman noir comme on aimerait en lire plus souvent. Ses personnages sont bouleversants, et la noirceur de sa plume les rend d'autant plus lumineux.

L'écriture de Jérémie semble murir avec ses personnages, elle s'affine et se patine pour nous offrir des dialogues plus riches et plus imprégnant. Idir est plus mature qu'Abraham et Tony, les personnages principaux des deux précédents romans. Loin d'être un désespéré prêt à tout pour consommer sa vie comme un rail de coke, Idir aime à garder le contrôle , même si celui ci finira bien par lui échapper.

Écartelé entre un univers social qu'il ne veut pas faire sien mais sur lequel il s'appuie pour avancer, et un encrage avec le monde de ses potes, celui de la rue, il ne cherche pas à survivre mais davantage à trouver sa place. Et si l'amour n'est pas absent de ce dernier roman, il est se fait animal comme une soif éperdue de vivre.

Encore une fois on ne peut être qu'impressionné par tant de talent. » du vide plein les yeux » vient donc clore cette magnifique trilogie qui restera sans aucun doute fondatrice de l'oeuvre à venir de Jérémie Guez.

Maintenant que Jérémie est allé au bout de ce projet qu'il a muri et porté pendant plusieurs années, il est grand temps pour lui de se mettre « en danger » en allant explorer de nouveaux horizons, de nouvelle terre et qu'il nous propose demain, un roman différent C'est tout le mal que je lui souhaite, tant j'espère qu'une nouvelle fois il parviendra à me surprendre comme il l'a fait jusqu'ici.
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