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Critique de Stockard


Quand on embauche un valet pour se faire aider dans les tâches quotidiennes, voire même pour tout lui déléguer, on s'attend au moins à une chose : rester maître de son domaine et de la relation qui s'instaure. Un domestique n'a-t-il pas pour essence d'obéir aux ordres et de se soumettre, dans la mesure du raisonnable, à la volonté de son maître, quelle qu'elle soit ? Raisonnable oui évidemment, il est bien connu qu'aucun larbin n'a jamais été de par le monde traité autrement qu'avec raison, j'ose à peine dire avec respect.

Eh bien, gros bol d'air grâce à Hervé Guibert qui envoie cet axiome au diable (Vauvert, pour la rime) et nous retourne la situation comme une crêpe Gigi sans rien perdre pour autant de sa crédibilité.

Pourtant il a l'air gentil ce valet, prévenant, attentif, alors pourquoi cette sensation de malaise qui s'enracine insidieusement à peine les dix premières pages achevées ? Peut-être parce que, sous couvert de confort et de serviabilité, peu de valets se penchent sur la garde-robe de leur employeur afin de physiquement les faire passer de 80 ans à la petite vingtaine, peu de valets mettent tous les médecins de leur employeur à la porte pour, sans la moindre connaissance médicale, prendre sa santé en main. Peu de valets installent leur employeur dans le salon pour coloniser sa chambre, vendre ses tableaux de maîtres et se servir tranquillement sur son compte en banque avec la fallacieuse excuse de faire des affaires qui vont rapporter gros au taulier.
Exposé comme ça, c'est quand même un peu gros mais ce valet-là a le génie d'opérer avec patience et intelligence, ses motifs démontrés pour expliquer pourquoi c'est lui maintenant qui prend le pouvoir sont si bien argumentés qu'on a aucun mal à imaginer un vieux gonze quasi grabataire y céder pour qu'au final on ne sache plus trop qui est le domestique et qui est le bourgeois. La dépendance de l'un faisant écho à la dépendance de l'autre, chacun de manière différente a besoin de son partenaire pour respirer, vivre pour le maître, exister pour l'employé de maison.

Entre relation masochiste et amour impossible, on passe les presque 100 pages de ce très court roman à essayer de deviner si ce valet est maléfique, tordu ou curieusement amoureux et ce que son patron, à tout accepter sans broncher, se figure y trouver au bout du compte.
Rien finalement mais qu'importe, Hervé Guibert avait l'esprit suffisamment tortueux pour nous embarquer dans ce genre d'histoire malsaine, nous y voir adhérer et à la fin, nous trouver perversement à en redemander.
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