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Critique de Michel69004


Vous connaissez ce plaisir un peu honteux de savoir que, une fois tout le monde couché, on retrouvera notre petite affaire. On se surprend à penser aux personnages du roman alors que la marmaille affamée se jette sur la tartiflette. On écoute, distrait, les adultes raconter leurs exploits du jour, mais on pense à tous ceux du livre…
Un vrai bon roman d'aventure provoque ce genre de sensations que je n'avais pas éprouvées depuis bien longtemps. Je referme la dernière page, sniff, mais je vois au dos du quatrième de couverture qu'il y aura une suite. Quel pied, quelle joie de retrouver l'année prochaine la belle Elisabeth et le sombre Bremond !
« Les Dames de guerre » est un projet de trilogie avec possible adaptation cinématographique et « Saïgon » en est le premier tome .
Laurent Guillaume a eu une vie avant d'être écrivain. Capitaine de police, il a travaillé à la Crim puis aux Stup. Il est devenu consultant international en lutte contre le crime organisé. Il sait de quoi il parle…

Sans ménagement, le lecteur est littéralement scotché par une scène d'ouverture implacable, incroyable…mais vraie : en mars 1945 les militaires du Kempeitaï (la gestapo japonaise) attaquent par surprise les gradés français occupant le Tonkin, l'Annam et la Cochinchine : 3000 soldats (qui étaient vichyssois avant de devenir gaullistes) sont tués atrocement par les japonais, alliés jusqu'alors, en 48 h.
On verra que ce prologue aura de surprenantes conséquences car bien vite nous sommes projetés en 1953 au Laos, à Manhattan puis en Indochine où se déroule ce grand récit romanesque.
La mort suspect de Robert Kovacs, l'immense reporter de guerre travaillant pour Life magazine, victime d'une embuscade du Vietminh alors qu'il suivait un corps expéditionnaire français sur les hauts-plateaux, au nord du Laos, sa mort donc laisse un grand vide et suscite beaucoup de questions.
Elisabeth Cole, grande bourgeoise new-yorkaise et excellente photographe des pages mondaines de Life, va supplier son patron : elle sera correspondante de guerre.
Sitôt débarquée à Saïgon, les choses se compliquent très vite.
Laurent Guillaume réussit le tour de force de nous faire vivre de l'intérieur l'Indochine de 1953/1954 (jusqu'à Diên Biên Phu) en suivant pas à pas son héroïne . Et c'est absolument captivant. Il dévoile progressivement et sans détour la face cachée de cette guerre sale (mais toutes les guerres le sont) et la complexité des forces en présence.
On va donc marcher sur les cendres du désastre colonial français en évitant les chinois, les vietminh, les services secrets des uns et des autres, les surprenantes mafias locales, les sectes bizarroïdes, les corses et quelques autres.
L'ambiance est rendue palpable grâce à la plume très vivantes de l'auteur, parfois un peu bavard mais le plus souvent soucieux de nous faire voyager littéralement avec notre correspondante de guerre. Elle sera accompagnée par un viel anglais, le journaliste Graham Fowler (dont le personnage est inspiré, et oui, de Graham Greene), par un jeune fidèle du Cao Daï (secte adoratrice d'une trinité où figure Victor Hugo !) évidemment spécialiste en arts martiaux et par le beau corse Antoine Ferrari ( du contre-espionnage français) .
Dans cet équipage, nous allons voyager à pied, à cheval et en avion. Nous survivrons à un nombres vertigineux de complots et d'embuscades. Comme tout le monde, on tombera amoureux du ténébreux capitaine Bremond qui est l'autre héros de cette histoire formidablement endiablée.
Surtout on en apprendra des vertes et des pas mures sur les trafics des uns et des autres. L'auteur s'est longuement documenté et il connait son sujet par coeur : cette guerre est avant tout la guerre de l'opium. Une de plus me direz-vous ! Et vous aurez raison, il est bien rare que l'on fasse la guerre pour l'honneur et la patrie, surtout lorsqu'il s'agit de conserver ses colonies ( l'Ukraine, c'est une autre histoire).
Laurent Guillaume rend aussi hommage à Maître Lemaitre : on aura l'occasion de retrouver le Grand Monde et de se laver avec du véritable savon Pelletier.

J'ai donc beaucoup aimé ce roman édifiant, parfois drôle, un peu sanglant mais surtout captivant, un vrai roman qui n'est pas une énième pseudo-biographie, qui ne fait pas la leçon et qui éloigne fort opportunément les sujets du moment.
Je remercie pour leur confiance Babelio et la collection La Bête noire des éditions Robert Laffont.
Vivement la suite !!!
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