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Critique de Tachan


Quand la mythologie marvelienne nordique rencontre la poésie burlesque baroque, voici la petite surprise que nous réservent Mnémos et Christophe Guillemain en cette rentrée littéraire de septembre. Je remercie énormément l'éditeur pour l'envoi de ce roman qui m'a fait découvrir une superbe plume et un sacré univers !

Dès sa splendide couverture Cyrielle Foucher donne le LA, nous sommes en présence d'un conte burlesque, d'un conte baroque aux allures de pantomime, mélangeant commedia dell'arte et ambiance mythologique, sur un ton un peu cruel voire macabre. Tout un programme ! Programme auquel Christophe Guillemain, c'est fort joliment astreint avec une plume d'emblée poétique, intrigante et mystérieuse des plus séduisantes, et un rythme narratif soutenu et entêtant permettant de boucler cette étrange histoire en moins de 300 pages. Joli tour de force !

Un peu comme chez sa conseur Yuki Kaori (Comte Cain, Ludwig, Devil's Lost Soul…), Christophe Guillemain entreprend de mettre en scène ici, ce sont les mots, une sorte de tragi-comédie macabre, en mode conte cruel, où il nous emmène déambuler dans les allées de bosquets ressemblant à ceux du Versailles de Louis XIV mais avec une jeune demi-déesse inquiète pour sa soeur enceinte car leurs propres soeurs aînées les menacent, et leur père le Roi des dieux, ne fait rien. Tragédie en devenir, ce roman est à la fois un roman d'aventure, un roman d'ambiance, un roman mythologique et un roman de société. L'auteur parvient avec sa plume étrange et entêtante à évoquer avec des images puissantes la tragédie des familles dysfonctionnelles, des parents démissionnaires, des séparations, des jalousies, etc. C'est fort !

J‘ai adoré plonger dans cet étrange décor qui a tout des décors de théâtre. J'ai vraiment eu l'impression de me déplacer avec crainte dans les bosquets du château de Versailles baroque d'autrefois, avec la peur de me faire éliminer à chaque tournant. J'ai aimé ces personnages se cachant derrière des masques, des masques un peu fou, qui comme dans Karakuri Circus semblent joyeux mais cachent une belle noirceur. Il bâtit aussi un univers de dupe et de saltimbanques un peu avec ces demi-déesses aux pouvoirs étranges et macabres : folie, nécromancie… et leurs marionnettes – automates rappelant les robots d'Asimov dans leurs lois et la crainte de leurs déviance. C'est vraiment un roman inquiétant. D'ailleurs l'auteur n'hésite pas à utiliser sa langue fort musicale pour se montrer très cru dans la violence parfois, empruntant au registre de la Dark Fantasy avec frayeur.

Je me suis donc totalement laissée porter par les aventures de Caelynn, sorte de chevaleresse des temps modernes, ou plutôt des temps baroques revisités par l'auteur. Ce fut une héroïne comme je les aime, courageuse mais pétrie de faiblesses qu'elle assume et contre lesquelles elle lutte, qui aime énormément sa famille, ou plutôt sa soeur aînée, mais qui a aussi un puissant désir d'émancipation et de liberté face à ce père peu présent et pourtant oppressant tout de même. Il y a d'ailleurs d'étranges développements autour de ce père et de ses relations avec ses compagnes, ses filles, son fils disparu de manière singulière, qui vient tirer sur une corde sensible chez nous et nous fait nous interroger sur cette figure paternelle. J'ai beaucoup aimé cette étrangeté !

Ce ne sont pas les seules belles trouvailles de l'oeuvre. J'ai adoré l'ambiance mythologique avec demi-dieux, monstres, pouvoirs macabres. J'ai adoré le mélange de cette mythologie avec un pantomime de théâtre comme dans les commedia dell'arte italienne. Ce fut magique de me retrouver à nouveau dans cet imaginaire des jardins de Versailles un peu en mode survie. J'ai trouvé la lecture particulièrement plaisante et rebondissante, pleine de mystères et de singularités. J'ai notamment encore plein de questions sur le père de nos demi-déesses, ses pouvoirs, ses attributions et encore plus sur son fils disparu et son rôle auprès de ces étranges automates qui semblent se poser en observateur témoin des luttes jalouses qui se déroulent entre les 5 soeurs.

N'eût été cette fin un peu rapide et cette impression de n'avoir qu'effleuré le temps d'une aventure ce si riche univers, cette lecture aurait pu être un coup de coeur tant j'en ai aimé l'originalité, la folie et la poésie sur cette ambiance sombre, macabre et pourtant burlesque.

Sémillante lecture, La Morsure des roses m'a vraiment surprise et a réveillé chez moi ce goût pour les plumes bondissantes et les ambiances venant me troubler. Conte cruel baroque d'inspiration aussi bien italienne, versaillaise que nordique avec ce roi dieu sosie d'Odin, ce fut une aventure riche, perturbante, sombre et dérangeante, venant gratter avec poésie des couches d'épiderme touchant à notre intime, à nos relations avec notre propre cellule familiale sous couvert d'un imaginaire très poussé, voire loufoque. Sorte de Lewis Carroll des Temps Baroques, Christophe Guillemain m'a donné envie de m'intéresser de près à sa production et s'il était tenté plus tard de retourner dans cet univers par une autre porte, je serais assez tentée.
Lien : https://lesblablasdetachan.w..
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