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Critique de Sarindar


Henri Guillemin ou le poil à gratter de l'Histoire.
Le style d'un conteur plus que d'un écrivain, même si l'écrivain a bien une marque à lui, un peu insistante sur les détails qui aident à suivre et comprendre une pensée qui ne ne veut rien laisser de côté quand il s'agit de donner des preuves à l'appui de son argumentation.
Il a été un grand conteur : ses interventions filmées sur la Révolution, sur Jeanne d'Arc, ses conférences enregistrées, un disque sur Napoléon.
Et puis ses livres : celui-ci, un autre sur 1789 et un autre encore sur Robespierre, sans compter un brûlot sur le thème - Napoléon et l'argent - et une compilation de ses réflexions sur Rousseau.
Les bourgeois, les voltairiens et les libéraux ne l'aiment guère : et pour cause.
Il démontre comment la Révolution a été détournée au bénéfice des profiteurs, grands propriétaires et grands entrepreneurs et comment la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen si elle reconnaît la liberté de pensée est aussi le moyen pour celui qui a du bien de s'élever au-dessus du lot commun et de remplacer Dieu par le Droit de Propriété révéré comme un dieu (ah! cher Veau d'Or) puisqu'on ne craint pas d'y affirmer que le droit de propriété (et d'entreprendre) est un droit inviolable et sacré !
Il y démontre aussi comment ceux que nous pourrions appeler les "filous", ceux qui veulent confisquer tous les biens et les moyens de production et d'échanges à leur profit se font appeler l'élite de la nation. Ce sont ceux qui ont profité de la chute de Robespierre, quand ils ne l'ont pas envoyé eux-mêmes à l'échafaud après l'avoir accusé de tous les maux (dont ils avaient pourtant plus que leur part, les coquins !) Or Robespierre voulait faire adopter une loi sur les "maximums" (ou si vous préférez sur les plafonds du prix des denrées) pour permettre au petit peuple laborieux de se nourrir correctement à un coût pas trop onéreux. Quelle horreur pour nos profiteurs ! il fallait abattre Robespierre, cet ennemi des grosses fortunes et de l'affairisme, cet Incorruptible, l'accuser de tous les crimes de la Terreur (curieux : Collot d'Herbois et Fouché, entre autres, qui étaient plus criminels que lui mais à qui il demandait des comptes pour le sang inutilement versé sont parmi les plus influents de ceux qui l'ont fait tomber), le ridiculiser pour le culte institué par lui de l'Être Suprême (on pense à Vadier, du Comité de Sûreté Générale, qui ne cessait de le brocarder) et traîner sa mémoire dans la boue (et là ils sont légion ceux qui le descendent, à commencer par ceux qui aiment lui opposer le très corrompu et grand jouisseur qu'était Danton, certes grand tribun mais aussi roi des hypocrites).
Pas étonnant que les Communistes aient longtemps vu en Robespierre l'un de leurs ancêtres. En réalité, il ne l'était pas. C'était sans doute le seul homme à bien tenir les commandes de l'État et à se montrer intransigeant sur les acquis de la Révolution dans cette époque de tourmente. On a tort, comme l'a fait Laurent Dingli de présenter Robespierre sous le seul angle de sa paranoïa. Ne nions pas qu'il ait été sanguinaire et froid, et en effet sans doute paranoïaque, mais reconnaissons-lui de s'être intéressé au peuple, même s'il se tenait à distance, et même si sa mise et ses habits l'apparentaient plutôt à un aristocrate.
Le mérite de ce livre est de démontrer que le grand perdant de la Révolution est le peuple (comme toujours !) et que, par voie de conséquence, la grande gagnante est la Bourgeoisie d'affaires qui s'est justement servi des petits pour l'aider à abattre la monarchie et l'aristocratie, mais pour dérober très vite au peuple les fruits de sa Révolution.
Henri Guillemin méritait bien, de notre part, un coup de chapeau.

François Sarindar
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