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Critique de Berthelivre


Premières semaines de la Libération dans la région de St Brieuc. Les Américains tiennent désormais le secteur, même si les grandes villes environnantes ne sont pas encore libérées, et que des troupes allemandes résistent, par endroits localisés, à proximité de la ville.
Période où la loi se cherche. Celle des Français, libérés d'un seul coup du joug allemand et qui improvisent avec les FFI, quelques notables bien vus d'eux, ou aussi les justiciers de la vingt-cinquième heure, une organisation administrative et des règlements de compte plus ou moins expéditifs.
Celle de l'armée américaine, pleine de bonne volonté et de bons sentiments, révoltée par le sort fait aux Juifs, mais implacable avec ses délinquants.

O.K., Joe ! Trouvé dans la collection Folio2€.
2 € pour être transformée en punching ball !

Après la préface d'une admiration ardente d'Eric Vuillard, qui explore avec obsession la longue et mystérieuse genèse de ce texte, le livre lui-même déboule, au plus nu de l'expression. Et le plus nu est le plus rudement efficace. Au fur et à mesure de ma lecture, j'en viens à appréhender les pages suivantes.

Louis, le narrateur, qui assumait des fonctions vagues et indéfinies à la mairie, est recruté par l'armée américaine comme interprète. Louis accepte ce poste, plutôt à contrecoeur, semble-t-il. Dans cette fonction, il va assister à l'interrogatoire des victimes françaises de soldats américains, et aux procès qui s'en suivent.

Des phrases courtes, factuelles, pour rapporter aussi bien l'ambiance dans la ville récemment libérée que les allées et venues, les rencontres, la chambre partagée avec cinq soldats, les repas au mess. Les dialogues sont d'une grande banalité. Les échanges cordiaux avec les officiers et soldats américains que Louis est amené à fréquenter quotidiennement, restent d'une superficialité confondante. Car, jour après jour, les procès se suivent, les condamnations se succèdent et les officiers que Louis accompagne dans leurs enquêtes et les audiences, sont aussi ceux qui requièrent contre les accusés ou les défendent à la barre du tribunal militaire.

Et Louis constate que tous les accusés sont noirs.

Les seuls sentiments que le narrateur exprime, ce sont un peu d'ennui, une incertitude sur son avenir après la Libération, et par ses questions aux Américains, son étonnement prudent sur le fait que tous les soldats jugés et condamnés sont des Noirs. Mais la distance que cette froideur devrait imposer au texte, est pulvérisée par tout ce qui n'est pas écrit, ce qui est sous les mots, qui est pourtant une évidence et une évidence qui dévaste.

Certains auteurs ont ce talent fascinant : celui de susciter, faire naître chez le lecteur, une foule d'émotions, violentes parfois, sans jamais en exprimer une seule. Louis Guilloux, dans ce texte, use de ce procédé de façon magistrale.

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