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Voici un livre court (142 pages) mais dérangeant. Il ose aborder une période sombre de l'histoire. L'auteur a mis trente ans pour l'écrire afin de restituer au mieux et avec tact des souvenirs ancrés dans sa mémoire depuis l'été 1944.

La Bretagne vient d'être en grande partie libérée, à Saint-Brieuc, Louis Guilloux, tout comme la population locale, voit défiler avec soulagement, l'armée américaine libératrice. Les soldats au sourire sympathique sont accueillis en héros. Pourtant la guerre est loin d'être terminée et l'on traverse une période complexe, pleine de contradictions : liesse populaire, bals de campagne au son de l'accordéon et en même temps, règlements de comptes et épuration. Certaines femmes sont humiliées et tondues en public. Louis, qui parle anglais, est engagé, presque par hasard, comme interprète par deux officiers américains. Sa mission consistera à traduire en anglais les témoignages de français convoqués devant les Cours Martiales qui jugeaient des GI's accusés de meurtre et viol de civils français. Les procès se terminent pratiquement tous par une condamnation à mort par pendaison. Une position difficile et inconfortable pour Louis, qui en tant qu'interprète, se doit d'être neutre et effacé, sans réaction, juste un intermédiaire entre juges, victimes et accusés. Il se sent mal à l'aise, à la fois spectateur et complice des jugements, qui envoient des hommes à la mort, pour la plupart des hommes noirs, des afro-américains.
Une question le taraude "Mais pourquoi toujours des noirs ? " Ce n'est pas un tribunal spécial pour les noirs ?

L'auteur, dans un style simple et factuel, raconte avec un certain tact des événements historiques sordides que certains auraient préférés oublier. Il évoque la complexité des situations et des mentalités. Les soldats américains sont sympathiques, enthousiastes et décontractés, un peu naïfs mais sûrs d'eux-mêmes et de la puissance de leur pays à apporter la liberté et à changer le monde. le racisme basique est une évidence dans l'armée et dans le pays.

Un témoignage simple tel un reportage au jour le jour, une écriture fluide avec beaucoup de non-dits, des dialogues banals, et des échanges superficiels juste cordiaux, cet ouvrage longuement muri par Louis Guilloux est puissant et riche d'enseignement.

#Challenge Riquiqui 2024
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Premières semaines de la Libération dans la région de St Brieuc. Les Américains tiennent désormais le secteur, même si les grandes villes environnantes ne sont pas encore libérées, et que des troupes allemandes résistent, par endroits localisés, à proximité de la ville.
Période où la loi se cherche. Celle des Français, libérés d'un seul coup du joug allemand et qui improvisent avec les FFI, quelques notables bien vus d'eux, ou aussi les justiciers de la vingt-cinquième heure, une organisation administrative et des règlements de compte plus ou moins expéditifs.
Celle de l'armée américaine, pleine de bonne volonté et de bons sentiments, révoltée par le sort fait aux Juifs, mais implacable avec ses délinquants.

O.K., Joe ! Trouvé dans la collection Folio2€.
2 € pour être transformée en punching ball !

Après la préface d'une admiration ardente d'Eric Vuillard, qui explore avec obsession la longue et mystérieuse genèse de ce texte, le livre lui-même déboule, au plus nu de l'expression. Et le plus nu est le plus rudement efficace. Au fur et à mesure de ma lecture, j'en viens à appréhender les pages suivantes.

Louis, le narrateur, qui assumait des fonctions vagues et indéfinies à la mairie, est recruté par l'armée américaine comme interprète. Louis accepte ce poste, plutôt à contrecoeur, semble-t-il. Dans cette fonction, il va assister à l'interrogatoire des victimes françaises de soldats américains, et aux procès qui s'en suivent.

Des phrases courtes, factuelles, pour rapporter aussi bien l'ambiance dans la ville récemment libérée que les allées et venues, les rencontres, la chambre partagée avec cinq soldats, les repas au mess. Les dialogues sont d'une grande banalité. Les échanges cordiaux avec les officiers et soldats américains que Louis est amené à fréquenter quotidiennement, restent d'une superficialité confondante. Car, jour après jour, les procès se suivent, les condamnations se succèdent et les officiers que Louis accompagne dans leurs enquêtes et les audiences, sont aussi ceux qui requièrent contre les accusés ou les défendent à la barre du tribunal militaire.

Et Louis constate que tous les accusés sont noirs.

Les seuls sentiments que le narrateur exprime, ce sont un peu d'ennui, une incertitude sur son avenir après la Libération, et par ses questions aux Américains, son étonnement prudent sur le fait que tous les soldats jugés et condamnés sont des Noirs. Mais la distance que cette froideur devrait imposer au texte, est pulvérisée par tout ce qui n'est pas écrit, ce qui est sous les mots, qui est pourtant une évidence et une évidence qui dévaste.

Certains auteurs ont ce talent fascinant : celui de susciter, faire naître chez le lecteur, une foule d'émotions, violentes parfois, sans jamais en exprimer une seule. Louis Guilloux, dans ce texte, use de ce procédé de façon magistrale.

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Ils sont bien sympathiques ces Américains : tout sourire, démonstratifs et chaleureux, se présentant par leurs surnoms, disant toujours « ok » ou « take it easy ». Ils mangent bien, distribuent des cigarettes, des chewing-gum, du chocolat... Ils sont éduqués, cultivés...Et puis, surtout, ce sont des libérateurs du pays en ce début d'été 1944. Ils sont donc accueillis par les bals, les sourires des filles, les flonflons de l'accordéon. L'auteur restitue donc toute cette atmosphère de légereté qu'on associe à la Libération.
Mais la guerre n'est pas finie. On entend encore les bombardements, on voit passer des files de blindés, des soldats prisonniers, des ambulances... L'atmosphère légère n'est en réalité qu'une toile de fond, c'est le malaise et l'angoisse qui prédominent. Dans des paragraphes de quelques lignes saississant, l'auteur évoque les horreurs de la période : arrestations arbitraires d'un homme dénoncé – et non jugé – coupable de collaboration, une boutique saccagée car son propriétaire a un nom d'origine germanique, la milice – des Français donc, pas des Allemands – qui attaque un maquis et torture des civils. Il décrit aussi les vengeances sur le corps des femmes, avec une femme tondue en public, une autre attaquée chez elle, accusées par la foule d'avoir couché avec des Allemands. Et il y a cette scène bouleversante de moins d'une page, où il entre chez une vieille femme, claquant la porte, claquant ses brodequins militaires contre les marches, sans comprendre tout de suite pourquoi cette femme juive terrorisée qui a perdu plusieurs membres de sa famille dans des rafles n'ose pas ouvrir la porte...
Et ces Américains sont-ils si sympathiques que ça ? Guilloux ne le dit pas clairement, non, mais on sent un malaise, une retenue, qui se ressent dans l'écriture même qui reste très allusive, ne dit pas les choses de façon affirmée. Nous ne sommes qu'en août 1944, mais certains soldats prévoient déjà une troisième Guerre Mondiale contre les Soviétiques. Eux qui sont pleins de certitudes, qui pensent se battre pour la liberté et la démocratie, ne comprennent pas pourquoi les Français ont plusieurs partis politiques. Ils se battent contre le nazisme, mais jugent chacun d'entre eux selon sa couleur de peau ou son origine : le Peau-Rouge, les soldats noirs, les juifs. Ces préjugés racistes se doublent de préjugés de classe : le jeune homme de bonne famille, violoniste, avocat, regarde avec un certain mépris le petit voyou du Bronx.
Jugent, c'est le mot oui. Car le Narrateur, L Auteur lui-même, assiste à plusieurs procès militaires, des crimes (viols ou meurtres) commis par des soldats américains sur les populations locales, les Bretons donc, les femmes bretonnes essentiellement. Or, avec presque une forme de naïveté au départ, qui est peut-être un refus de voir la vérité, il demande pourquoi ces accusés sont-ils tous des Noirs ? Est-ce que le camp de prisonniers est un camp pour Noirs ? Avec naïveté aussi dans leurs réponses, ses amis soldats ne comprennent quasiment pas : non, seuls les accusés sont jugés ou emprisonnés, quelque soit leur couleur, et ce n'est qu'un hasard statistique si ce sont seulement des Noirs... le racisme intériorisé est tel qu'ils ne se posent pas la question des causes. Ils ne voient pas non plus – ou ne veulent pas voir – que lorsqu'un soldat blanc est arrêté pour des faits similaires, il est acquitté...
Guilloux parle anglais, apprécie la culture américaine. Il a des idées politiques communistes. Or, ce qu'il voit entre en contradiction avec avec ses convictions et ses valeurs. L'écriture est donc toute en retenue, le texte lui-même a mûri et maturé pendant trente ans avant d'être publié, parce qu'il souffre de tous ces décalages. Sans le dire clairement, on comprend qu'il a été proche des résistants – il ne déclare pas précisément avoir eu un rôle actif, mais au moins de soutien, et ne peut accepter que les libérateurs et les libérés puissent finalement se comporter aussi mal que les occupants.
Un texte très court, mais très puissant, qui dans son écriture même traduit toutes les ambiguïtés de la période qui suit le Débarquement et le début de la Libération – même si, pour moi en tant que Normande, le Débarquement est d'abord celui de Normandie...
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Été 1944, les Américains libèrent la Bretagne. Louis Guilloux est recruté en tant qu'interprète, et suivra les troupes américaines pendant la campagne de France. A ce titre il participera aux tribunaux militaires chargés de juger les soldats accusés de méfaits contre la population, essentiellement des viols. Il se trouve, question lancinante, que ces accusés sont toujours des Noirs. Pourquoi ?
L'interprète se trouve donc dans une situation inconfortable, ne peut rien faire, sinon témoigner. Un témoignage constitué de petites touches, d'images et de scènes brèves mais marquantes, le tout écrit dans un style fluide et allant.
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« Ce soir vers les neuf dix heures si je reste pas à regarder la télé, quand j'irai me fourrer dans les étoiles, j'oublierai tout. Je m'endormirai pour ainsi dire tout de suite. Parce que moi j'ai ça de bon, je dors toujours comme un vrai cochon, mais c'est ça qui me sauve. Toute ma nuit, sans rêver » (‘coco perdu' : Louis Guilloux)



Témoin pendant la 1ère guerre mondiale de la transformation du Lycée de sa ville en hôpital militaire et des annonces aux familles de la mort d'un parent.
Témoin et acteur forcé de la querelle Gide/Aragon après le voyage du premier en URSS et
son livre qui dénonce le stalinisme.
Acteur, à Saint-Brieuc, dans le soutien auprès des chômeurs, des réfugiés espagnols, des paysans.
Acteur dans l'unification des mouvements de résistance communiste, catholique et socialiste des Côtes-du-Nord.
Témoins de scènes de la libération et de l'épuration avec un antisémitisme toujours ambiant
Il passe quelques semaines comme interprète d'officiers américains dans des enquêtes menées auprès de la population bretonne, sur des affaires mettant en cause des viols ou des crimes commis par des soldats américains.
En 1976, il fait paraître ‘OK. Joe' et l'histoire devient littérature.
Il aura fallu trente années à Louis Guilloux pour l'écrire.
Pour concilier l'enthousiasme de la libération et la prise de conscience de la ségrégation des noirs aux Etats-Unis d' Amérique, la guerre du Vietnam.
Trente ans pour trouver une approche et le ton qui lui convienne.
Si, en 2022, lors de sa réédition, ce livre a souvent été mentionné pour sa dénonciation du racisme dans l'armée des USA en 1944 (cf. le livre d'Alice Kaplan : L'interprète ; dans les traces d'une cour martiale américaine ; Bretagne, 1944…. /…cf. « OK, Joe ! Ou les Mémoires du soldat Guilloux » Documentaire réalisé par Philippe Baron en 2023), l'inégalité des traitements selon la race, en juxtaposant aux procès des noirs condamnés à mort, le procès d'un officier blanc, acquitté.
Il dépasse largement ce constat. Car cette armée américaine, très décontractée et généreuse avec les populations qu'elle rencontre, cette armée bien équipée, n'est évidemment que le reflet de ce qu'est la société américaine. Et Louis Guilloux de mettre tout ça en évidence, scène après scène, avec beaucoup de subtilité.
Proche du prêche religieux, une idéologie de « libération » remplace une idéologie d'asservissement.
Le soldat américain appartient à une nation qui détient, seule, la vérité et se doit par conséquent de la propager pour le bien de tous, proposant un modèle idéal, simplificateur : confort, nourriture abondante, paternalisme, certitudes.

Et l'on ressent que l'humanisme de Guilloux, bien plus que littéraire, pâlit devant un autre monde dont il redoute l'avènement où la déshumanisation, fille de la technique et de la science, va devenir la caractéristique dominante.
Cordialité superficielle, manifestée dans leur façon de se saluer les uns les autres, avec d'incessants « OK » enthousiastes et leur insoutenable confiance en eux, leur pragmatisme.

Et tout cela d'un ton simple, lucide, maitrisé, sobre, faussement naïf.

« Oui, c'est vrai qu'un homme qui s'endort ferme les yeux sur bien des choses »
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Louis Guilloux (1899-1980) journaliste, natif de Saint-Brieuc, publie son premier roman en 1927 et en 1935 le Sang noir rate de peu le prix Goncourt (raflé par Joseph Peyré avec Sang et Lumière). Ses convictions humanistes le conduiront à devenir secrétaire du 1er Congrès mondial des écrivains antifascistes et responsable du Secours Populaire. O.K., Joe ! vient d'être réédité dans une collection de poche.
Août 1944, dans la région de Saint-Brieuc. L'armée américaine en termine avec la libération de la Bretagne où ne subsistent que quelques îlots de résistance allemande. Louis Guilloux est enrôlé par les libérateurs pour servir d'interprète à l'armée lors des procès en Cour martiale jugeant des G.I. coupables de crimes contre des civils Français (viols, meurtres…). Durant plusieurs semaines il suit la troupe. Ce récit, l'écrivain mettra trente ans avant de l'écrire et il ne paraîtra qu'en 1976.
Plantons le décor : A l'ouest, on entend parfois encore le canon, le tonnerre de Brest ; partout ailleurs les gens effacent toutes les traces de l'occupant, on brûle et déchire les affiches de propagande, on tond les femmes qui ont fauté avec l'ennemi, on entre en force chez ceux qui qui ont fricoté avec les mêmes… Louis, qui travaille à la mairie, se voit proposer une place rétribuée d'interprète par les Américains pour traduire en anglais les dépositions des victimes et des témoins des agressions.
Ce qui frappe immédiatement le lecteur, c'est la gentillesse du ton et du récit. Pourtant, si la guerre est presque terminée, il reste des poches de résistance, l'après-guerre n'est pas tendre pour les collabos ou supposés, et le job d'interprète le met en première ligne face à des victimes et des bourreaux. Louis Guilloux déroule néanmoins son récit presque tendrement et les Américains sont tous extrêmement sympathiques et adorables avec lui ; ils forment une petite équipe, Bob Stone et Will Bradford jouent les enquêteurs et avocats, Louis traduit, et Joe le taxi (!) conduit tout ce petit monde à travers le pays dans sa Jeep. Louis Guilloux est choyé par les uns et les autres, nourri copieusement, après les privations ça le change.
Par contre, tous ces Américains fraichement débarqués s'étonnent régulièrement et interrogent Louis, « Combien de partis politiques avez-vous en France ? » quand eux, n'en ont que deux ! de son côté, l'écrivain ne comprend pas pourquoi tous les accusés sont Noirs ? Une question qui restera sans réponse, car bien que ce soit la vérité, la relation des évènements prouvent qu'ils sont bien réellement coupables…
Un texte assez court qui brosse rapidement un portrait de la France en cours de libération avec ses excès et ses traces d'antisémitisme, tout en soulevant discrètement quelques questions sur un possible racisme systémique de l'armée américaine ?
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Louis Guilloux dépeint bien son rôle d'interprète dans le cadre de la libération de la Bretagne par les Américains.
Le contexte est bien décrit (épuration, procès des GI…) et la controverse historique autour des procès assez interessante.
En revanche, j'ai trouvé qu'il avait pas mal de répétitions et que l'histoire globale manquait de liant, de matière et d'interêt.
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Une novella, qui dit l'histoire, autobiographique, d'un employé de mairie parlant l'anglais, recruté comme interprète par les troupes américaines du débarquement en 1944. Des cours martiales jugent les auteurs de viols et crimes contre des femmes françaises. Elles ont besoin que les débats soient traduits pour les victimes. le texte de O.K., Joe !, est écrit en la forme journalistique, dans le style de la génération perdue des auteurs américains, avec sa facture sans effets, dialoguée. En réalité très recomposée, plus de trente ans après les faits, puisqu'il la publication date de 1976. "Pourquoi Bill,... pourquoi ne juge-t-on ici que des noirs ?" demande l'interprète au magistrat militaire américain qu'il assiste (p. 98). Et cette simple question lancinante donne toute la mesure du récit. Une universitaire américaine, enquêtant sur le livre de Guillou, fait toute la lumière sur le racisme persistant dans l'armée américaine. Un documentaire très complet interroge les descendants des victimes. Dans la récente publication en poche du texte, une introduction de la plume aigüe d'Éric Vuillard fait subtilement le recadrage historique.
Lien : https://diacritiques.blogspo..
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