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Critique de Antyryia



Moi qui était convaincu que les jours commençaient à devenir plus longs le jour de l'hiver, le 21 décembre, j'ai récemment été bousculé dans mes convictions les plus profondes et les plus essentielles.
Tout d'abord, c'est ma chère maman qui m'a dit le mois de décembre dernier que selon l'expression consacrée, "à la Sainte-Luce, les jours croissent du sot d'une puce". Or, la Sainte-Luce, c'est le 13 décembre.
Et puis voilà que les vikings s'en mêlent dans ce nouveau roman de Johana Gustawsson : "Noël trouve son origine dans la fête de Yule, qui consacre le solstice d'hiver. C'est une date clé du calendrier de nos ancêtres vikings."
"C'est une date cruciale dans le paganisme : la nuit cède enfin le pas et les jours rallongent."
Et ces festivités commençaient le 29 décembre. Avec des beaux sapins décorés différemment d'aujourd'hui. Odin ne saurait pas quoi faire de toutes ces guirlandes et autres boules de noël.

Ce roman, je l'attendais avec plus ou moins d'impatience, puisque dix mois avant sa parution Johana Gustawsson m'en avait déjà touché un mot lors d'un salon du polar. Notre française au nom marital suédois, que j'ai longtemps comptée à tort parmi les auteurs scandinaves, avait emménagé sur l'île de Lidingö, au nord-est de Stockholm. A peine avait-elle déménagé qu'elle a appris l'existence d'un manoir réputé hanté à Storholmen, un petit îlot un peu plus au nord encore.
Pas besoin de chercher plus loin l'inspiration, elle avait le décor sur lequel est venu se greffer toute la trame du roman.
Un huis-clos glaçant tant par son ambiance que par sa température.

Et nous voilà donc plongés dans les mystères de cette île quasiment déserte, qui attire cependant les touristes venus voir l'arbre où a été retrouvée la pendue de Storholmen en 2012. Son assassin n'a jamais été retrouvé.
Autre attrait de l'endroit : le gigantesque manoir appartenant depuis plusieurs générations à la famille Gussman, chef d'oeuvre d'architecture planté au milieu de nulle part.
En 2021, une nouvelle venue arrive à Storholmen : Il s'agit d'Emma Lindahl, chargée d'expertiser la valeur des biens des propriétaires du manoir, à des horaires imposés. Elle y découvrira de véritables trésors. Passionnée par ses recherches, elle est cependant intimidée par cette famille aussi lugubre que hautaine. Elle semble également traîner de lourds secrets familiaux, en lien avec l'alcoolisme de sa mère.
A peine arrivée, un second assassinat a lieu, et si le corps de la nouvelle victime est cette fois retrouvé sous l'eau glaciale, le modus operandi ne laisse pas de place au doute : Il s'agit du même assassin que par le passé.

Aux côtés d'Emma on retrouvera deux autres narrateurs importants qui vont permettre d'aborder cette histoire sous d'autres angles et d'offrir au lecteur une vision plus large de l'ensemble de cette intrigue.
Principalement, Karl Rosén, représentant des forces de l'ordre, qui était déjà affecté sur le premier meurtre. Un flic abîmé comme souvent, touché de plein fouet par la disparition de son épouse Freyja.
Le troisième nous permet de regarder avec un autre regard ce qui se passe à l'intérieur du manoir Gussman puisqu'il s'agit des témoignages de Viktoria Wallin, la servante des lieux, qui nous relate notamment des scènes éprouvantes de disputes entre la maîtresse du domaine et son étrange fils.

Après Te tenir la main pendant que tout brûle, il s'agit de mon second Johana Gustawsson, et si l'histoire est totalement différente, j'y ai retrouvé une évidente marque de fabrique.
L'ambiance lugubre et paranormale de sorcellerie laisse ici place au même genre de climat mystérieux et angoissant, en évoquant cette fois les rites vikings bien réels et des pans de mythologie nordique que je ne connaissais pas. J'avais déjà entendu parler d'Heimdhall, gardien du passage entre la terre et le royaume d'Asgard, mais j'ignorais par exemple qu'il était né de neuf mères différentes. Après, ce sont des dieux alors ils étaient probablement très avancés scientifiquement parlant.
C'est aussi l'occasion pour la romancière de revenir sur beaucoup d'aspects propres à la culture ou à l'histoire suédoise. Les bains glacés, les saunas, l'absence de gêne avec la nudité, ou encore le snus, qui est une forme de tabac à chiquer composé à 70 % d'eau et d'arômes interdit en Europe depuis 1992 ... sauf en Suède.
Le livre évoque également le personnage historique de Charles Emil Lewenhaupt l'ancien, général suédois qui fit part à la guerre contre la Russie et finira décapité en 1743.

J'ajouterais que la plume de Johana Gustawsson est belle, ses réflexions souvent profondes, intelligentes, tolérantes. Il m'a fallu un court temps d'adaptation pour m'y faire, mais une fois embrigadé dans cette histoire aux multiples ressorts, je ne l'ai plus lâchée d'autant que les rebondissements inattendus étaient légion, et qu'en tant que lecteur de polars aguerri j'en ai vu venir ... un, juste avant la fin.
Je suis trop, trop fier.
Sérieusement, je n'ai plus le cerveau dans le même sens qu'avant depuis cette lecture.

Pour autant ce n'est pas non plus un roman exempt de petits défauts. Je ne me suis pas attaché aux personnages autant que je l'aurais voulu. Je suis resté à la surface, je ne me suis pas senti impliqué par leurs émotions. Et j'ai trouvé dommage de n'être que spectateur de ces quelques joies et de ce trop plein de souffrances et d'horreurs.
Également, quelques passages m'ont paru très capillotractés, et si la démence humaine ne connaît aucune limite, je suis quand même resté très dubitatif parfois, et je suis resté sur ma faim concernant le mobile, quasiment secondaire dans ce thriller.

J'apprends maintenant que les jours commencent véritablement à rallonger le 6 janvier, à l'Epiphanie, manifestation de la lumière de Jésus.
Je voudrais pas dire, mais faudrait vous mettre d'accord les gars.
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