J’ai vécu les poings serrés, me suis agrippé à bien des choses, n’ai rien voulu lâcher. Je tenais à ceci et à cela, tout me semblait devoir dépendre de moi. Voilà un défaut tout à fait humain, nous nous croyons responsables de tout. Le temps m’a appris le contraire. On prévoit, on planifie et on construit sur un tas de sable que le vent de la vie souffle et déforme à son gré.
La vie est une chute vertigineuse alors on s’accroche, on chope, on empoigne. On s’efforce pour ne pas lâcher prise.
Ainsi passe la vie, on saute d’une peine à l’autre en quête d’un peu de répit. Et on est heureux, quand même.
Je n’ai cessé de cueillir les joies partout où elles ont fleuri ; celles qui viennent avec la sensibilité du corps, celles qui ne sont atteignables que par l’agilité de l’esprit, celles qui se cachent derrière la douleur, celles qu’il faut saisir au vol, celles qu’il faut récolter dans la boue, celles qu’il faut arracher à quatre mains, celles qu’il faut sécher d’une pluie de larmes, et toutes les autres.
On transmet malgré soi, malgré tout. Et ce sont toujours les autres qui décident de la part de nous qui est transmise. Ils nous cambriolent en douceur, jour après jour. Ils nous prennent ceci puis cela, ça commence par un geste, une façon de parler ou une attitude et ça finit avec une vie entière.
Ainsi passe la vie, on saute d’une peine à l’autre en quête d’un peu de répit. Et on est heureux, quand même.
Ainsi passe la vie, on saute d'une peine à l'autre en quête d'un peu de répit. Et on est heureux quand même.
La mort ne vient pas à bout des sentiments, au contraire, elle est l’occasion d’aimer encore, d’aimer en mémoire.
Mais le passé qui se réécrit au fil du temps, voilà autre chose. Les faits restent mais l'histoire change. Les historiens sont de vilains électriciens qui choisissent d'éclairer ceci plutôt que cela.
Ainsi va la fin de ma vie. Elle va vers le plus merveilleux des détachements. Seules me touchent les choses sur lesquelles je n'ai aucune prise, celles qui m'échappent, me dépassent. Tout ce que j'ai toujours possédé, connu et contrôlé m'entrave. Finalement, seul mon corps m'embarrasse encore, je me suis défait du reste. Il est le dernier à me contrarier, me gêner, et, quelque part, je me réjouis d'en être dépossédé.