croyez-vous que cela suffit d'être un bon mari, si on n'a pas une bonne femme ?
– Alors, vous ne voulez pas de moi ?...
Chiffon avait envie, à cette question bien nette, de répondre nettement non.
[...]
De sa belle voix grave, très émue, M. d'Aubières reprit :
– Je vous parais vieux... mais je vous offre un cœur très jeune... un cœur qui n'a jamais été à personne...
– Oh ! ... – fir Coryse, effarée, – vous n'êtes pas arrivé à votre âge sans aimer quelqu'un... voyons ?...
– C'est Hugues de Barfleur – dit-il tout à coup, en indiquant le jeune homme à Chiffon – un de mes anciens élèves...
Elle répondit sans enthousiasme :
– Je sais... je le connais...
– C'est un de nos fidèles... – continua le père de Ragon – il vient ici chaque jour pour y entendre la sainte messe... c'est une belle âme... qui ne fait que ce qui est agréable à Dieu...
– Je ne sais pas... – s'écria la petite malgré elle – si ça lui est si agréable que vous dites que M. de Barfleur vienne flirter ici avec madame Delorme... au bon Dieu ?...
Le Jésuite eut un geste de protestation indignée et de surprise sincère.
C'était une très jolie petite personne rondelette et capitonnée de fossettes. Ses cheveux bruns frisottaient sur un front plat aux contours mous. Elle avait de grands yeux chocolat très câlins, un nez correct, une toute petite bouche, – charmante, lorsqu'elle ne s'ouvrait pas, – et un teint superbe. Les épaules sortaient blanches et grasses de la robe décolletée à l'excès. Le haut des bras s'engorgeait un peu. L'oreille plate et incolore s'attachait mal, trop renversée et trop éloignée des cheveux.
Telle quelle, Chiffon comprenait, – bien qu'elle n'aimât pas du tout ce genre de femmes, – que madame de Liron était très jolie et devait plaire beaucoup.
N'ayant pas, à proprement parler, de type déterminé, la marquise s'en était créé un à beaucoup d'images diverses et banales. Elle avait appris à parler au théâtre et à penser dans les romans.
– On ne se marie pas pour que ce soit drôle !