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Critique de kielosa



En tournant la dernière des 445 pages de ce roman, on comprend le choix des membres du jury qui ont décerné le Prix du Quai des Orfèvres 2022 à Véronique de Haas.
L'auteure a effectivement réussi un exploit, qui aurait pu aussi bien recevoir l'un ou l'autre prix littéraire prestigieux français.

Son ouvrage est, en effet, exceptionnellement ambitieux : nous raconter les péripéties d'un tueur à gages à Paris en 1920 et l'enquête de toute une équipe de policiers dans un contexte historique rigoureusement correct.

Le récit a respecté scrupuleusement le climat et la réalité politique, le fonctionnement des institutions judiciaires et policières, ainsi que les procédures d'interaction dans les limites de leurs compétences spécifiques, il y a tout juste un siècle.

Par ailleurs, le lecteur a droit à la confrontation entre d'une part syndicalistes, socialistes, anarchistes et communistes et d'autre part l'extrême droite de l'époque et les Camelots du roi dans une IIIe République douloureusement appauvrie et perturbée par 4 longues années de guerre.

"La Muse Rouge" soulève en plus la question du colonialisme, en l'occurrence d'importants investissements d'ordre infrastructurel au Congo Brazzaville, mais à spéculation purement capitaliste.

Sur l'après-guerre en l'Allemagne de Weimar (1918-1933) il existe une abondante littérature, sur la France pendant la même période nettement moins et un roman policier situé au tout début de ces années fatidiques fait figure d'oiseau rare.

Le récit démarre le 6 janvier 1920 avec le meurtre sauvage à coups de couteau de Gabrielle Arevaste, "Gabie", une insoumise ou fille publique non enregistrée officiellement.

Deux jours après c'est le tour du diplomate chinois Li à la maison close La Fleur Blanche et de la tapineuse Apolline qu'on retrouve nue et le corps affreusement tailladé de coups de couteau à l'instar de celui de Li.

Cinq autres victimes suivront, dont 2 en Bretagne et 2 au Havre, qui mettront les nerfs des responsables de la Brigade criminelle de la capitale à bout pour arrêter l'oeuvre d'un assassin particulièrement féroce et sadique.

La Brigade criminelle dispose heureusement d'un trio d'inspecteurs intelligents et imaginatifs qui font preuve d'audace et de courage exemplaires.

Le style du livre, écrit dans un Français et argot de l'époque, contribue incontestablement à l'authenticité du récit, mais ne rend pas la lecture plus simple pour autant. Je dois avouer que de tous les termes anciens, expliqués en note de bas de page, comme "camarder" (mourir), "chourineur" (assassin), "chevillard" (boucher en gros) par exemple, je n'en connaissais strictement aucun.

L'explication de ces termes et les nombreux renvois historiques ralentissement fatalement quelque peu le rythme du récit, mais le mettent assurément à un niveau de qualité supérieure.
Je ne peux qu'admirer le travail exceptionnel de recherches et d'écriture de Véronique de Haas.

Un passage me restera longtemps en mémoire : le 27 janvier 1920 au Père-Lachaise le double enterrement d'une pauvre victime du tueur et de celui du peintre Amedeo Modigliani.
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