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Critique de tristanledoux


Ecrit avec méticulosité et parfois, malheureusement, avec une certaine préciosité, le Trésorier-payeur est la mise en scène romanesque des thèses économiques que défendait Georges Bataille dans "La Part maudite", sur le thème de la dépense. L'ambition est grande - d'ailleurs elle s'appuie régulièrement sur la pensée de Hegel, le plus ambitieux des philosophes - et surprenante, puisqu'elle semble partir à contre-courant d'une pensée critique très répandue, qui tend à dénoncer - à juste titre - les ravages planétaires du capitalisme financier. le problème, c'est que l'auteur se croit investi d'une mission pédagogique vis-à-vis de son lecteur : il ne peut s'empêcher d'expliquer et d'expliciter ce que le lecteur de ce roman exigeant, bourré de références savantes, n'a pas besoin qu'on lui dise, sans quoi il aurait abandonné depuis longtemps sa lecture (voir par ex p.107 les indications de type Wikipédia à propos d'Alan Greenspan). le point de vue omniscient peut être parfois trop omniscient, au point d'encombrer la narration et de ne plus laisser au lecteur l'espace nécessaire au développement de ses propres réflexions. Et, en particulier dans ce roman, à mesure qu'il avance, son degré d'irritation ne peut manquer d'augmenter, me semble-t-il. Les personnages - y compris le "héros" - restent inconsistants, tout en étant pris en charge de manière surdéterminée par le narrateur, qui prétend les sonder jusqu'au fond de l'âme. C'est que l'intrigue elle-même ne tient pas debout, ou du moins dégage une impression d'artificialité qui rend la lecture laborieuse, d'autant plus qu'il s'agit de traverser les nombreux passages justificatifs et les interventions du narrateur qui cherche à appuyer par d'assez fumeuses envolées lyriques les états d'âme de ses personnages. Ce qui frappe aussi, c'est le rôle assigné à la sexualité dans l'économie de ce récit aux accents mystiques. Les femmes sont très vite à la merci des coups de foudre du personnage central, qui lui-même ne cesse d'être transfiguré jusqu'à l'extase par ses rencontres. C'est proche du fantasme et loin du vécu. Nous devinons, à travers les frasques innombrables et toujours prodigieuses du Trésorier, un auteur qui ne s'embarrasse à aucun moment de problématiser la relation sexuelle et le rapport amoureux. L'amour, mis en scène comme une dimension cosmique de l'existence humaine, donne lieu à des développements risibles et agaçants. Non seulement nous ne sommes pas du tout convaincus par ces flambées passionnelles et sacrées, mais en fin de compte, le souterrain qui relie la maison du Trésorier-Payeur à la Banque de France, et qui est censé figurer, sous le couvert de la notion de "dépense", le renversement de la logique financière du capitalisme globalisé, ressemble plutôt à un élément de décor emprunté à un roman de cape et d'épée.
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