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Critique de Agneslitdansonlit


Le titre couplé à l'illustration de la couverture m'a poussée à supposer qu'il s'agissait là d'un thriller, une enquête, avec une forme de suspens.

Ce n'est pourtant pas ainsi que débute ce roman islandais, très agréable et fluide. Deux époques vont alterner, les retours dans le passé des années 1990 permettant classiquement d'éclairer les évènements présents.

Edda, blogueuse hyper connectée, vivant à Reykjavik, mariée et visiblement heureuse en couple, s'avère être cette lectrice qui va se volatiliser, laissant sa famille à sa consternation et son inquiétude car elle laisse derrière elle un nourrisson de trois jours.
À partir de cet événement, vont se relayer deux récits, l'un contemporain narrant la recherche d'Edda par son frère Einar, suivant sa piste jusqu'au Etats-Unis; l'autre visitant le passé de cette famille atypique.

J'ai très clairement préféré la première partie de ce roman, nous rapportant la rencontre de la jeune Júlía avec un Orlygur plus âgé, "fils à papa" entretenu, irresponsable et volage, exerçant ses "talents" dans le cinéma, et accomplissant l'exploit de laisser derrière lui deux femmes enceintes, dont Júlía. La seconde, Ragneiður, désespérée, finira par trouver refuge auprès de Júlía. Portant les deux enfants d'un même homme, Edda et Einar donc, elles organisent une vie familiale autour de ce gynécée.

J'ai pris plaisir à entrer dans la vie de ces personnages, les voir trouver un équilibre au-delà d'une situation hasardeuse et inhabituelle, apprécier l'amitié se nouant entre les deux mères. Les caractères des deux mamans sont très différents et même s'il ne s'agit pas d'une histoire d'amour au sens classique, l'auteur sait retracer avec finesse la naissance d'un "couple", d'une association de deux mamans avec ses déséquilibres, ses frustrations, tissage de ressentiments parfois mais aussi de solidarité et de complicité.

C'est dans cette cellule féminine que grandiront Edda et Einar. Là aussi, j'ai suivi l'auteur qui met en exergue deux personnalités bien différentes voire antagonistes. Einar est un petit bonhomme très dépendant de sa soeur (demi-soeur si vous avez bien suivi !), complexé par sa dyslexie et donc évoluant au début sous la coupe de sa soeur, puis avec l'âge s'épanouissant dans les jeux d'extérieur et son rapport aux autres. Edda, petite fille plutôt introvertie s'entoure, elle, de livres et trouve une forme de bonheur dans la lecture compulsive, atteinte à l'inverse de son frère d'hyperlexie. Elle maintient un lien étroit avec ce dernier à travers les mots : ceux des histoires qu'elle lui invente ou lui lit, lui qui est privé de ce plaisir.
Leur chemin finiront par se séparer, du fait d'événements respectifs qui constitueront des blessures intimes et obligeront chacun à trouver des voies de résilience.

Voilà le moment de bascule du roman. Si j'ai beaucoup apprécié la narration relative aux vies de ces personnages, j'ai bien moins adhéré à la tournure que prend le récit suite à la disparition d'Edda.
Dans un premier temps, il y a quelques incohérences ou facilités qui tranchent avec le début du roman. Einar trouve avec une aisance éhontée les indices le mettant sur la piste d'Edda. Il se retrouve dans un New York survolté mais n'est nullement gêné par la pratique de l'anglais, lui, Islandais travaillant dans la nature, qui avait donc de grosses difficultés scolaires !

Si la première partie du roman est empreinte de réalisme, la seconde s'apparente à un conte naïf... Quant à la cause du départ d'Edda, sans trop en dévoiler (car on est censé là aborder le noeud de cette "enquête"), si le thème du rôle de l'écrit dans notre société, (s'opposant ici à l'oralité), est passionnant, il est traité trop légèrement. Il y avait là matière à creuser et investir un peu plus ce sujet, en s'appuyant sur des recherches solides. Citer Platon, Socrate et Lévi-Strauss ne sauvera pas un suspens écorné.

Sigríður Hagalín Björnsdóttir a, pour moi, posé les bases d'un très joli roman, empreint de délicatesse et de finesse et a décidé de changer de registre, pensant conférer du suspens à un thriller qui n'en est pas un. C'est un soufflé qui tombe à plat.
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