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3,12

sur 42 notes

Critiques filtrées sur 3 étoiles  
Khadidja Cissé est née au Mali, mais s'expatrie en France avec son fils aîné, fuyant un mariage ignoble et forcé. Arrivée à Paris, elle a eu 3 autres enfants d'un voisin, et un petit métis de son propriétaire dont elle est tombée amoureuse. Dans le microcosme malien d'un immeuble parisien, cette conduite est impardonnable ("Parce que je sortais avec un homme blanc, on discourait sur la sincérité de mes sentiments"). Personne ne la comprend, que ce soient ses voisines ou l'assistante sociale qui vient la voir chaque semaine et essaye de la faire sortir de son marasme. Car elle s'occupe de ses enfants à plein temps, vit seule et ne travaille pas.

C'est cette situation intenable que nous décrit "Des Fourmis dans la bouche". Cette expression est utilisée pour décrire la faim qui la tenaille, elle et ses enfants alors qu'elle en arrive aux dernières extrémités.

En fait, Khadidja Cissé est un "personnage" intéressant car elle se rebelle contre l'ordre traditionnel que veulent préserver ses voisines, faisant de l'immeuble une reproduction du bled africain : "Si ma voisine et compatriote avait le pied ancré dans la tradition et refusait d'en sortir, moi, je n'avais pas fui le Mali pour en reproduire les schémas ailleurs."

A travers le regard de cette Africaine "maigre" (chose incroyable aussi car les hommes africains aiment apparemment leur confort ...), l'auteur nous dresse un portrait impitoyable du monde de ces expatriés, et de leur village également : "il ne venait pas à l'esprit d'un villageois africain qu'un Européen puisse être pauvre. Cette légende, qui voulait que la pauvreté soit l'affaire des Noirs, parce que nous l'avions fait nôtre, nous empêchait d'élaborer chez nous le moindre plan de survie et nous poussait pour nous venger à flanquer le pied dans le cul de cette terre qui refusait de nous nourrir."

Prise au piège par la désapprobation de ses pairs, menacée de se voir retirer la garde de ses enfants par l'assistante sociale, Khadidja est désespérément isolée. Elle en finit par douter des possibilités offertes par la France, si souvent vantées : "Le Mali m'apparaissait comme un pays de cocagne. Là-bas, c'était si rude que les gens se serraient les coudes pour survivre dans une fraternité simulée." Dans cet immeuble, ce sont en effet les pires côtés du communautarisme africain qui ressortent.

Ce roman a l'avantage de nous présenter un portrait sans concession de la vie des immigrés africains : souhaitant conserver la tradition dans un pays moderne où leurs valeurs ne peuvent s'appliquer, ce sont les enfants qui en pâtissent, perdus entre deux pays, deux cultures, deux chaînes de valeurs. Et ils finissent par entrer dans le cercle vicieux de la drogue, du vol dans un pays qui ne leur offrira aucun avenir.

Cependant, deux choses m'ont gênées :

- s'il est intéressant pour cette réflexion, je ne peux que regretter qu'il n'aille pas plus loin. On aimerait en savoir plus, suivre Khadidja encore un peu. Finalement, l'auteur ne survole que d'une manière très superficielle, en prenant le point de vue de cette femme, et sans aucune analyse ni réflexion en dehors.

- de plus, c'est une seule version de l'immigration, très noire. Ce serait occulter les Africains qui ont réussi. J'ai eu l'impression que l'auteur faisait écho à tout ce qu'on entend dans la presse : le jeune drogué, l'Arabe avare du coin, etc. Et il est dommage de ne pas avoir nuancé un peu son texte. Car si Khadidja a une figure de rebelle, contre ces préjugés justement, la fin reste pessimiste ...

J'ai donc aimé ce texte, tout en restant sur ma faim. Mais c'est un texte intéressant dans le cadre du Prix Océans et c'est pour cela que je vais voter pour lui dans notre 3e session de choix !
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Je suis partagée sur ce livre qui a suscité lors de sa lecture des sentiments très contrastés.

D'un côté, il y a le personnage de Khadîdja, une femme éprise de liberté mais qui se rebelle contre le poids de sa religion et le poids des traditions maliennes qui sont presque plus présentes à Paris qu'au Mali. Elle veut s'affranchir des traditions, ne plus avoir à subir les questions intempestives de ses voisines sur son célibat ni le regard de la communauté malienne de son quartier du fait de sa liaison avec un homme marié.
Elle veut aimer librement, qui elle veut, d'ailleurs les relations avec les hommes sont l'une des thématiques au coeur de ce récit : "Quelque fois, on est tellement en manque que l'on ne voit même pas la couleur de ses chaussures. Peu importe qu'il soit noir, bleu ou jaune, si son entrejambe sourit, si sa bosse prédit l'ivresse, on se jette sur lui, sans penser à cette foutue loi qu'on fait semblant de respecter. L'homme remplira son office, à coup sûr.".
Khadîdja est aussi une femme fière qui prend sur elle de devoir faire appel à une assistante sociale pour essayer de s'en sortir et donner de quoi manger à ses enfants : "Puisant au plus profond de moi, j'avais troqué ma fierté contre le courage d'affronter le regard de cette inconnue aux lèvres déformées par la grimace réglementaire des travailleurs sociaux.".
Toute cette facette du personnage est intéressante, car elle permet d'offrir un éclairage assez complet sur les traditions et les coutumes du Mali.
Ainsi, au fil de la narration à la première personne du singulier, Khadîdja va revenir sur son marchandage, sa vente à un homme plus âgé du village, sa convocation au conseil des sages du fait de sa conduite jugée inappropriée, uniquement parce qu'elle a couché avec un blanc et que celui-ci est le père de son dernier enfant, sur les traditions d'accueil qui se perpétuent en France.
Le personnage revient également sur son passé, sa vie au Mali et les raisons qui l'ont poussée à venir s'installer en France ainsi que son désenchantement : "Mon silence ne faisait que répandre ma rancune envers Paris. Cette ville, sans le savoir, nous avait promis de belles choses. Nous avions quitté notre pays pour nous y faire une place que nous croyions au soleil. Mais il n'y avait pas de soleil à Paris."
Mais Khadîdja est une femme cherchant à s'émanciper : "J'avais alors soif de vivre. Je voulais ma liberté d'agir, de penser."
Ce sont des passages durs mais nécessaires, qui permettent de mieux cerner la personnalité de Khadîdja et qui expliquent, en partie, son comportement actuel.

Et puis, de l'autre côté, il y a toujours ce même personnage de Khadîdja, mais en femme amère et désabusée : "La noblesse d'une pauvre négresse de la rue de l'Inconnu dans le dix-huitième arrondissement de Paris importait peu à ceux qui, comme moi, mouraient de faim dans leur appartement délabré.", qui n'attend plus vraiment grand chose de la vie, qui doute dans sa foi, qui n'est ni du Mali ni de Paris, elle est de nulle part et a beau essayer de sa battre, rien n'y fait, elle coule sans aucune bouée à laquelle se rattraper.
Cette facette a plus eu tendance à me déranger, car le personnage tombe dans une cruauté profonde, que ce soit envers ses propres enfants ou envers les personnes essayant de l'aider.
Khadîdja sombre dans l'amertume : "J'avais fini par me lasser de Paris, de ses habitants grincheux, de son bruit, de son caquetage et par-dessus tout de ses promesses jamais tenues.", ainsi que dans une forme de caricature : la méchante et l'ennemie, c'est l'assistante sociale; le méchant c'est son ex amant blanc qui pourtant ne lui a jamais rien promis, étant marié de son état; cette forme de caricature oscille d'ailleurs vers le racisme.
Sur ce plan, je précise bien qu'il s'agit du personnage de Khadîdja et non de l'auteur.
J'ai eu le sentiment que ce personnage était dans un état de non retour, définitivement déracinée du Mali ou de Paris, vivant sans vraiment vivre, essayant de survivre sans y réussir.
Par contre, je reprocherai à Khadi Hane de ne montrer qu'une partie de la réalité.
Il est en effet ici question uniquement des africains qui vivent dans la misère la plus complète, comme si l'auteur avait cherché à coller à l'image véhiculée par la presse, or, il aurait aussi sans doute été intéressant d'évoquer les africains qui ont réussi.

Portrait sans concession de la vie des émigrés africains à Paris et au titre fortement évocateur, "Des fourmis dans la bouche" me laisse au final un sentiment de malaise du fait de l'amertume qui se dégage de ce récit.
Mais c'est un livre qui ne laisse pas non plus indifférent et qui amène se poser beaucoup de questions, permettant ainsi d'apporter une autre vision sur la dure vie quotidienne des émigrés africains à Paris.
Lien : http://lemondedemissg.blogsp..
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A Paris, dans le XVIIIème arrondissement, vit Khadidja Cissé une malienne sans travail, mère célibataire de cinq enfants dont un petit métis. Chaque jour, c'est la galère pour trouver de quoi donner à manger à sa petite famille. Pétrie de traditions et fervente croyante musulmane, elle commence à avoir des doutes quand elle se retrouve mal jugée puis carrément rejetée par sa communauté sous le prétexte qu'elle a couché avec un blanc, Jacques Lenoir, le propriétaire de son appartement. L'avenir est bien sombre et la misère bien réelle dans une capitale qui est loin d'être l'Eldorado dont elle avait rêvé là-bas...
Longue complainte d'une Africaine pauvre et rebelle, « Des fourmis dans la bouche » se présente comme un témoignage douloureux et émouvant. Moderne Cosette, Khadidja a été « vendue » dès son plus jeune âge à un vieux travailleur polygame qui s'est empressé de la faire venir à Paris et lui a fait un premier enfant. Trois autres ont suivi d'un père différent avant sa liaison avec Jacques. La misère ordinaire oblige l'héroïne à prendre des décisions et à adopter des attitudes paradoxales. Elle qui rejette la honte d'être une femme facile, accepte d'accorder à l'épicier arabe quelques privautés en échange d'un peu de nourriture et ne paie plus son loyer depuis des mois en espérant que son ancien amant aura un goût de revenez-y. Livre intéressant qui pose le problème du statut de la femme dans une société malienne recrée à Paris (avec ses codes, ses interdits et même sa justice interne, le Conseil des Sages), la pesanteur des traditions, les problèmes d'intégration et la raison de cette immigration que l'auteur dénonce ouvertement : la faim. Un livre qui ne laisse pas indifférent et peut même mettre mal à l'aise tant il est amer et tonitruant. (Critiqué pour le Prix Océans)

Lien : http://www.etpourquoidonc.fr/
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Après avoir été répudiée par sa mari sous un faux prétexte, Khadîdja quitte le Mali et s'intalle à Paris où elle vit seule avec ses quatre enfants dans le quartier de Château-Rouge. Chaque jour est un combat : elle se bat pour trouver assez de nourriture pour ses enfants alors qu'elle ne travaille plus, elle se bat contre les vieilles traditions maliennes qui l'excluent la communauté parce qu'elle a une relation avec un homme blanc, elle se bat contre ses voisines maliennes qui aimeraient qu'elle soit comme elles, grosse, mariée et soumise et elle se bat contre la rue qui abrite trafics en tout genre et qui pourraient compromettre son fils aîné.
Des fourmis dans la bouche est un roman très dur, très noir qui aborde l'aspect négatif de l'immigration, celui dans lequel les immigrés ne sont pas intégrés et vivent en communauté dans des conditions abominables où l'insalubrité et la faim règnent. Et dans ce monde où les femmes n'ont pas la parole, Khadîdja tente de surnager et face à ses difficultés, s'interrogent sur sa foi en Dieu. Pourquoi laisse-t-il ses enfants crever de faim ? « C'est aujourd'hui que je veux savoir, insistai-je. Dis-moi si oui ou non Dieu existe, et si oui, pourquoi Il ne répond pas à mes prières. Depuis hier, mes enfants et moi n'avons rien avalé. Nous avons des fourmis plein la bouche. Alors, dis-moi si, oui ou non, Il me donnera à manger. »
J'ai bien aimé ce roman, mais j'ai été un peu déçue par la fin assez brutale, qui laisse planer le doute sur le devenir de Khadîdja et de ses enfants.
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Ce livre est le premier que j'ai lu dans le cadre de la troisième sélection du prix Océan, et pourtant je rédige quasiment son avis en dernier. Il faut dire que ce n'est pas un livre facile (ce qui est loin d'être un défaut) et qu'il m'a fallu du temps pour décanter mon ressenti.
En effet, il dépeint une réalité que j'ignorai : le quotidien d'une immigrée africaine, seule pour élever ses cinq enfants à Paris. Seule, car son premier mari, à qui elle a été « vendue », l'a répudiée alors qu'elle attendait son premier enfant. Seule, car elle a été exclue de la communauté, avec violence, par la naissance de son cinquième enfant, un métis, qu'elle cache à la curiosité de ses voisines, promptes à cancaner et à inventer les pires calomnies sur cet enfant différent. Seule, car le père de son enfant, Jacques, l'a rejeté également, au point de tout faire pour l'expulser de son appartement dont il est le propriétaire.
Des fourmis dans la bouche est un cri de colère et de révolte continu. Khadîja est croyante, même si ses prières non exaucées se transforment en cri de révolte. Elle dénonce à la fois le sort des femmes africaines, mais aussi leur propre complicité dans le maintien de cette société patriarcale. Elle montre le poids des croyances : il est impossible d'être pauvre en France, il est impossible d'y avoir faim, comme au Mali où le sort réservé aux enfants (garçons et filles) est effrayant bien qu'ils soient considérés comme la richesse de leur père : « Dans mon pays, les enfants constituent la richesse de leur père, leur nombre manifeste l'étendue de ses biens » . Khadîja, qui envoie une bonne partie de ses allocations au pays, peine à faire vivre ses cinq enfants. Pire : depuis sa liaison avec Jacques, elle est reniée par ses propres enfants, elle qui, à un moment, a été femme et mère en même temps. le titre du roman prend alors tout son sens : « Depuis hier, mes enfants et moi n'avons rien avalé. Nous avons des fourmis plein la bouche .
Ce qui m'a dérangé dans ce livre est l'inespoir total, et les clichés également. L'Arabe du coin fait forcément payer les courses en nature, le fils aîné devient un petit revendeur de drogue. L'héroïne elle-même s'est un temps enivré d'espoir, en croyant d'abord que son amant pourrait tout quitter pour elle, ou, au moins, ne pas l'abandonner. Certes, à la fin du roman, Khadîja prend une décision radicale parce qu'elle est coincée et ne sait plus vraiment comment se sortir de cette situation sans issue : condamnée par les siens, elle l'est également par la justice française qui veut lui prendre ses enfants. Elle semble avoir oublié tout ce qu'elle dénonçait plus tôt, quittant un Eldorado décevant pour un pays qui l'a été. J'aurai aimé l'accompagner un peu plus, pour savoir si oui ou non elle rentrerait au pays natal et comment se passerait ce retour.
Lien : http://deslivresetsharon.wor..
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"Des fourmis dans la bouche", c'est l'impression que donne la faim. Khadidja Cissé vit à Paris dans le XVIIIe arrondissement. Elle élève seule ses cinq enfants, habite dans un immeuble d'immigrés et a perdu son travail à cause d'un homme blanc qui a profité d'elle et lui a laissé ce cinquième enfant.
Le ton est vif et grincant car Khadidja n'en peut plus. Elle a voulu fuir la condition difficile du Mali, échapper à ce rôle de mère pondeuse attribuée à chaque femme. Mais en France, elle est aussi la risée de ses concitoyens en étant la maîtresse d'un blanc.
La faim omniprésente au Mali n'en est pas moins dure à Paris. Et Karim, le fils aîné tombe inévitablement dans le commerce de la drogue. Pourtant, Khadidja refuse cet argent sale et veut coûte que coûte vivre une vraie vie de femme et de mère.
Le récit montre parfaitement toute l'ambiguïté de l'immigration. La France, eldorado de nombreux africains, se révèle peu enclin à donner quelques bribes de la richesse tant attendue. Très justement, l'auteur montre sans complexe les deux faces du système.
D'une part, l'auteur dénonce la misère inévitable des immigrés, l'exploitation par le travail ou par les blancs car Jacques Lenoir, l'amant blanc n'hésite à profiter de la jeune immigrée, l'incapacité des services sociaux à gérer les cas désespérés.
Mais d'autre part, elle fait écho de la mentalité des femmes du pays, cette acceptation à n'être que l'outil de l'homme. Elle met en évidence la plainte des maliens en leur pays qui réclament toujours plus d'argent à ceux qui sont en France et l'inévitable fuite de l'argent des allocations vers le Mali. Elle évoque cette absolue croyance en une religion qui ne peut honorer ce qu'elle promet. Les jeunes immigrés semblent être éduqués de manière à attendre la providence comme un dû et malheureusement l'adage "Aide -toi et le ciel t'aidera" serait plus motivant.
L'auteur, au travers du déchirement de cette jeune malienne nous offre une vision complète des difficultés, avec une grande impartialité. Même si l'auteur ne le dit pas clairement, je comprends bien l'origine du problème ( pouvoir des religieux, éducation des filles, développement local nécessaire) et je trouve admirable que l'auteur ose l'évoquer.
" Dans mon pays, les enfants constituent la richesse de leur père, leur nombre manifeste l'étendue de ses biens. On procrée pour se maintenir dans l'histoire clanique, par le biais de la continuité de son nom, dans un avenir indéfini. Ce qui hisse le garçon sur un piédestal car c'est lui qui perpétue le nom, tandis que la fille reste un instrument de reproduction, un instrument indispensable à la multiplication des biens."
Le seul reproche est peut-être de rester sur un cas personnel, de jouer un peu sur les sentiments sans élargir au sujet général.
Lien : http://surlaroutedejostein.o..
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Certains livres sont l'expression d'une grande colère, d'injustices contre lesquelles il n'est pas question de baisser les bras. La rage qui s'y glisse a alors quelque chose de libérateur, de cathartique. Des fourmis dans la bouche, de Khadi Hane, romancière sénégalaise installée en France, n'est pas fait de cette étoffe-là. La colère qui gronde dans le coeur de Khadîja, au fil de son monologue, crée un malaise profond, tant on est partagé entre une compassion gênante et une incrédulité montante. Khadi Hane caricature t-elle à l'envi les conditions d'existence de cette malienne de 32 ans, habitante du quartier Château-Rouge à Paris (dans les années 90), élevant seule ses quatre enfants, dans le plus grand dénuement ? Ou bien est-elle conforme à une vérité tellement criante que personne n'y prête vraiment attention ? le livre est clairement scindé en deux parties : la première, adoucie par l'humour et l'ironie est relativement confortable pour le lecteur ; la deuxième est enragée, tout y est objet de rejet pour Khadîja : la froideur de l'assistante sociale qui menace de lui prendre ses enfants ; la démission de son ex-amant, blanc, et père de son dernier fils, qui ne veut plus d'elle ; la condamnation unanime de sa communauté qui l'humilie (voir la scène du Conseil des sages, dans un sous-sol de Sonacotra, où elle se rebelle avec une incroyable violence contre les "traditions" africaines). Sans parler du tableau qu'elle brosse de la vie au pays, quand, fille nubile, elle est donnée en mariage, en pâture devrait-on dire, à un vieillard libidineux. Khadi Hane, à travers sa douloureuse héroïne, déverse son fiel contre le communautarisme, le racisme, qu'il soit blanc ou noir, et plus largement les règles patriarcales qui prédominent, aussi bien au Mali qu'à Paris. On finit hébété devant un tel torrent de bile que rien ne semble pouvoir arrêter. Aimer un livre pareil est impossible. Y rester insensible, également.
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Curieux, intriguant ... On peut aborder ce livre avec plusieurs qualificatifs à connotation négative et positive.
"Des fourmis dans la bouche", c'est le récit de Khadidja Cissé, immigré malienne installée à Paris, tentant de survivre malgré les galères. Mariée de force à 14 ans, elle conçoit un premier enfant au Mali d'un mari qui la répudie aussitôt. Elle part alors pour la France avec l'espoir de réussir
une vie loin des contraintes du clan et du village. Mais, on ne peut rompre aussi facilement les attaches. Après avoir eu trois autres enfants de deux aventures, elle (sur)vit grâce aux allocations, dont elle envoie la majeure partie dans son village au Mali. Elle vit donc avec ses quatre enfants dans un tout petit appartement dans le réputé quartier de Châteaurouge à Paris. Mais, quand elle se lance dans une aventure avec son propriétaire, riche blanc parisien, l'opprobre général de la communauté d'émigrés africains, et en particulier celle du Conseil des Sages installé à Paris, va lui rappeler que malgré la distance, elle reste liée aux coutumes et traditions de son clan.

Après avoir été choqué pendant la lecture, sceptique en préparant ma critique, j'ai pris le temps de rédiger et revoir cet avis.
Ecrit à la première personne, le récit est un lent monologue demandant de l'aide et se lamentant. On est ici face un roman du ressenti, du sensible, face à la vie quotidienne d'une immigrée malienne à Paris. La première impression ressentie, c'est celle de perturber, déranger cette femme dans son intimité, dans son quotidien. On peut aussi regretter rapidement les clichés ressassés (peut-être car ils ont un fond de vérité) sur les immigrés, les musulmans, les africains. Khadi Hane, l'auteur, est une femme de lettres sénégalaise et son récit est probablement puisé et enrichi de témoignages et de vécus.

En bref, malgré quelques longueurs, c'est un récit assez bouleversant, invitant à la réflexion sur l'histoire et le statut des immigrés venant s'installer en France.

Citation :
"Si tout devait être facile dans la vie, on l'appellerait Paradis. Si tout ne devait y être que souffrances, on l'aurait nommée enfer, mais la vie, c'est la vie, un entassement d'évènements heureux et de mauvais moments. S'il t'arrive un jour d'être si heureux que tu te croirais au Paradis, prépare-toi à entrer en enfer le jour suivant et vice-versa. Ainsi va la vie."
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Un roman mêlant habilement l'humour, l'ironie, la désillusion, l'espoir et toute une palette de sentiments.
Ainsi, on suit l'adaptation de Khadija, femme à la culture africaine, élevant seule quatre enfants, et entretenant une relation avec un homme de culture européenne.
Et là est la difficulté, de vivre dans une culture différente de celle de nos origines.
On y voit combien il est difficile de s'y adapter, de vivre seule et de jongler entre les factures, les visites de l'assistante sociale, les enfants à s'occuper, les frasques de l'aîné, et de trouver sa place.
Mais Khadija doit aussi ménager les traditions, et les visites des voisines et connaissances.
Et la désillusion de Paris et ses merveilles arrive : Khadija se rend alors compte que Paris n'est pas la ville merveilleuse que l'on croit, qu'elle a ses avantages et ses travers.
Le tout est mené à un rythme rapide, sans morosité et plein de pétillant.
Un roman qui se lit vite, et qui reflète aussi certaines réalités à travers une narration imaginaire.
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Khadîdja est malienne, elle est mère célibataire et élève seule ses 4 enfants à Château-Rouge un quartier nord de Paris. Sans emploi et avec peu de ressource elle vit dans un appartement trop petit et doit trouver des combines pour survivre. Entre l'aumône intéressée de l'épicier et les visites de l'assistante sociale qui ne voit qu'une solution à ses problèmes : ester en justice contre Jacques son amant et père de son dernier fils afin d'obtenir une pension alimentaire, Khadîdja doit également faire face à une communauté qui la rejette, son crime : avoir eu une liaison avec un blanc ! Château-Rouge semble être en liaison direct et permanente avec son village malien, tout se sait au pays et les patriarches du foyer sonacotra font offices de juge des moeurs.

Khadîdja est écartelée entre sa culture musulmane, la pression des hommes, le nom de la famille à honorer (et à faire vivre grâce à la part d'allocation familiale envoyée chaque mois quitte à ne plus pouvoir nourrir ses propres enfants) et son envie de vivre en femme libre et indépendante. Ils la juge, l'humilie, la sermonne au non du « mal » qu'elle cause à la communauté mais elle est où cette fameuse communauté quand il est question de venir en aide à son prochain ?

Ces hommes sont archaïques ils ont recréé en France la vie et les règles du village ils refusent que les femmes s'adaptent, travaillent, pour mieux les dominer. Et certaines de ces femmes semblent se complaire de la situation. Khadîdja par sa soif de liberté, d'indépendance, par sa tentative de mettre tout ce petit monde face à ses propres contractions devient une perturbatrice et jeter l'opprobre sur sa personne est bien plus facile que de tenter de se remettre en cause.

Ce livre est écrit avec beaucoup d'humour mais m'a semblé extrêmement triste car je pense que des Khadîdja il y en a aujourd'hui des milliers en France, des femmes seules face à l'obscurantisme et à la bêtise d'une minoritée au nom de la religion.
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