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sur 42 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Khadîdja Cissé est malienne. Elle a cinq enfants, pas de mari, pas d'argent. Elle vit dans un misérable appartement du quartier de Château-Rouge dans le 18° arrondissement de Paris. Sa liaison avec Jacques Lenoir, un blanc, lui attire l'opprobre de la communauté africaine parisienne, mais aussi de celle qui est restée au pays. « Pour avoir couché avec lui, je méritais la pendaison. Parce que aussi j'avais décidé que le chemin ratissé par les ancêtres ne collait pas à ma soif de vivre, je m'étais affranchie des fables, j'avais choisi de sortir du ghetto, appris à lire et à écrire. » (p. 42 & 43) Jugée par les autres femmes, par sa famille, par ses enfants, par les anciens, Khadîdja est aussi soumise au jugement administratif assené par l'assistance sociale.

Khadîdja est pauvre, mais elle vit en France. Cette position l'oblige à survenir aux besoins de la famille restée au pays. Alors elle envoie en Afrique l'argent qu'elle n'a pas, l'argent dont elle a désespérément besoin pour nourrir ses enfants. « La culpabilité d'être pauvre en France me bouffait le moral, le physique et le mental, elle me rendait la vie plus dure encore. En Europe, la fortune est censée être à portée de main, c'est du moins ce que l'on croit là-bas. » (p. 73) Mais puisque les prières sans cesse répétées à un Dieu trop occupé restent sans effet, que reste-t-il, si ce n'est le quotidien sans espoir ? Khadîdja n'est pas loin de se sentir punie, voire maudite. Et le ventre toujours plus vide que la veille, elle se souvient des raisons qui l'ont poussée à fuir le Mali et de celles qui pourraient l'y faire revenir. « Depuis hier, mes enfants et moi n'avons rien avalé. Nous avons des fourmis plein la bouche. » (p. 135)

Il y a beaucoup d'amertume dans le récit de cette Malienne dont la double culture est à la fois une chance et un fardeau. En porte à faux entre France et Afrique, ni coupée de là-bas, ni intégrée ici, Khadîdja finit par être de nulle part. le titre pose une sensation désagréable sur la langue et le roman tout entier fouaille l'estomac. L'auteure nous montre une France misérable composée d'immigrés qui ont emmené leurs traditions dans leurs maigres bagages. Khadi Hane déploie une plume sans pathos, parfois drôle parce que résonnant de l'humour des désespérés, souvent juste parce que sans concession, ni enjolivements. À lire avec humilité et tolérance.
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Dans ce roman, Khadi Hane dresse à travers son personnage Khadidja le tableau des relations entre les hommes et les femmes au Mali, entre la place des différentes épouses dans une société polygame. « Femme, ferme ta gueule » disait la loi. Khadidja Cissé, la narratrice se révolte contre ces pratiques, qui sont reproduites à l'identique dans le pays d'accueil. Château Rouge, village africain.
Elle vit rue de l'Anonyme, à Paris, et élève seule ses cinq enfants. Elle a eu le premier au Mali, répudiée pendant sa grossesse. Elle l'avait épousé alors qu'elle n'avait que treize ans, et était la quatrième épouse. Trois autres enfants avec un malien de Paris, qu'elle a refusé d'épouser pour ne pas être selon elle rabaissée au niveau d'épouse avec ce que cela implique dans sa culture. le dernier enfant est né de sa relation avec un Blanc, marié de son côté, pour qui elle faisait du ménage. Et accessoirement le propriétaire de son appartement. Ce dernier enfant est à l'origine de tous ses ennuis au moment de la rédaction.
Traitre à son pays, à sa culture, à sa famille pour avoir couché avec un Blanc et par-dessus tout avoir eu un enfant avec lui. Un enfant qu'elle cache aux autres car il est café au lait, et qu'il ressemble à son père. A cause de sa relation avec Jacques, elle perd son travail. Elle passe en jugement dans son pays avec la réunion des sages de son village, à la demande de son père, alors que c'est elle qui fait vivre sa famille en leur envoyant tous les mois les trois quarts des allocations familiales qu'elle touche. Condamnée par ses enfants qui la considère comme une putain. Condamnée par les maliens de son quartier qui se réunissent aussi en Conseil des Sages dans le sous-sol d'un foyer Sonacotra.
Elle est aussi en conflit ouvert avec sa foi, elle qui pratique consciencieusement ses prières quotidiennes et qui implore l'aide de Dieu. Vainement. Ses prières demandent le pain et le riz quotidien, et elle espère des résultats concrets. D'où sa relation conflictuelle avec son assistante sociale, dont elle n'attend que des paquets de riz.
Tout en passant son temps à se plaindre, de son fils, de sa famille, des voisines, des frères de misère qui la jugent, elle lève le voile sur l'une des facettes de l'émigration africaine. Pour quelqu'un resté au pays, un français ne peut pas être pauvre, et un émigré en France a forcément réussi. le retour au pays ne peut être que glorieux, même si tout ce qu'il ramène est pacotille.
Et ce retour au pays, elle l'envisage sérieusement à la fin du livre, alors que son fils est devenu dealer, que l'assistante sociale menace de lui retirer ses enfants, et que son propriétaire-ex-amant-père-de-son-enfant lui envoie une injonction de quitter son appartement pour impayé.
Un échec qui lui laisse un goût amer dans la bouche.
Une narration à la première personne, qui mêle présent et passé (quand celui-ci explique le parcours de la narratrice), avec des prises de paroles virulentes.
Un livre intéressant, même si ce n'est pas un véritable coup de coeur. Trop de plaintes. Trop d'attentes de la narratrice qui voudrait que tout lui tombe du ciel.
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Khadidja Cissé, la rebelle sans énergie. Héritière des traditions maliennes où le mâle domine, elle se révolte sans conviction, plutôt dans la désespérance. Seule avec les cinq enfants dont elle a la charge, elle tourne en rond dans son sordide appartement parisien. J'ai lu ce roman d'une traite, espérant une action, un coup d'éclat, une sortie par le haut, un destin qui s'éclaire. Mais tout est dans le titre : les fourmis sont dans la bouche, sensation désagréable qui demeure jusqu'au point final.
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Comment écrire la condition des femmes émigrées sans pathos et en se riant des clichés. Khadi Hane sait le faire de belle manière. Ce texte est la clé d'un monde pétri d'humanité et d'inhumanité, de couleurs et tellement terne, d'amour et d'obligations, de ferveur et de désespérance.
Lien : http://ausautdulivre.blogspo..
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Château Rouge. Petit quartier de la capitale française connu pour son grand marché exotique où afrodescendants de toute l'Ile-de-France viennent s'y ravitailler en denrées venues d'ailleurs, vendues par des chinois, des pakistanais ou des arabes. Khâdidja habite le quartier avec ces quatre mômes dans des conditions extrêmement complexes. Elle ne voit pas le bout du tunnel. Elle ne s'en sort pas. Une relation passionnée avec un toubab fait d'elle l'objet de toutes les railleries sinon insultes de sa communauté. Elle ne s'en sort pas. Madame Renaud, l'assistance sociale use de tous les moyens pour contraindre Khâdidja à poursuivre le père blanc de son dernier môme afin qu'il verse une pension alimentaire. Ce à quoi elle s'oppose farouchement. Elle ne s'en sort pas. Son fils aîné, Karim, la déteste viscéralement et progresse lentement vers le deal de drogue dans le quartier, les premières convocations à la police commencent. Elle ne s'en sort pas. Elle attend du système un peu de riz pour nourrir ces chiots...

Khadi Hane possède cette capacité décrire la violence que produit sur un individu l'écartèlement entre modernité et traditions (Le collier de paille), entre un communautarisme oppressif et une ville-lumière méprisante. Si dans le collier de paille, cette violence s'exprime de manière épisodique, ici elle en imprègne constamment le personnage de Khadidja et la romancière charge son écriture du regard extrêmement sévère, voire méprisant de cette jeune mère de famille sur la communauté malienne, sûrement par le fait que ce soit l'une des plus rigides sur ces codes. Ce qui me semble intéressant quand on suit les personnages centraux de Khadi Hane, c'est la mise en scène de leurs contradictions et leur jusqu'au-boutisme si je peux m'exprimer ainsi. Khâdidja est à la fois une mère sans ressource qui ne veut pas qu'on lui retire la garde de ses enfants et qui refuse dans le même temps de suivre une procédure proposée par l'administration pour sauver la situation. Elle ne veut pas poursuivre celui qu'elle aime, celui qui est prêt à la jeter à la rue, elle et ses enfants, celui qui est l'origine de la perte de son emploi, celui qui lui a permis de se réaliser en tant que femme.

La plus grande violence étant, de mon point de vue, cette incapacité à concilier deux mondes, deux réalités profondément différentes avec tous les compromis nécessaires.

C'est une lecture énervante, passionnante. Quelle rage! Une fois rentré dans l'histoire, le lecteur que je suis ne lâche pas le texte, car on a envie de savoir le fin mot de tout cela. Ce livre fera polémique. A cause des excès de la charge de Khadi Hane à l'endroit de la communauté malienne. En plus, il est difficile d'écrire sur un quartier comme Château rouge sans sombrer dans quelques formes de caricatures. C'est le cas, ici et certains préjugés seront renforcés, mais quand on a les fourmis dans la bouche, cela ne peut pas se passer autrement.

Lien : http://gangoueus.blogspot.co..
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Une Malienne vit dans le 18ème à Paris avec trois enfants et un enfant métis. Comment vivre quand l'argent manque durement, que l'assistante sociale ne répond pas aux demandes de secours et que le poids de la culture d'origine se fait ressentir dans le quotidien?
Très belle description sobre de la pauvreté d'une femme immigrée qui veut tout simplement vivre sa vie de femme et de mère. La France a ét un mirage et le retour au pays s'impose.
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