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Citations sur La huitième vie (72)

Personnellement, je ne crois pas qu’une révolution soit un cri du peuple ; je crois plutôt, ajouta-t-il profondément songeur, qu’elle naît de la mauvaise conscience des classes privilégiées. – Tu penses donc que c’est mû par ce complexe que le tsar Alexandre II, notre libérateur, a abrogé la loi sur le servage, sans songer que cette démarche pourrait se conclure économiquement et idéologiquement par un désastre ? demanda un fervent bachelier. – Oui, c’est ce que je pense. Car en offrant la liberté aux paysans, il ne fit que rendre plus crûment visibles les différences sociales. Et nous ne devons pas oublier que ces dernières années, des milliers de jeunes gens ont quitté les métropoles pour aller instruire les paysans dans des campagnes où ils n’ont rencontré que désintérêt, résignation et incompréhension. – Et tu penses que c’est en remerciement que cet attentat mortel a été commis sur le tsar libérateur ?
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À la fin de l’année 1920, après presque trois années d’absence, Stasia revit son pays. Accueillie par sa sœur aînée, Lida, qui avait passé la plus grande partie du temps à l’église Saint-Georges, par son père grisonnant, à l’air triste, par sa belle-mère pomponnée, devenue plus corpulente, et par une Christine à la beauté presque macabre, qui avait fêté son treizième anniversaire peu auparavant. Meri, la deuxième, avait fini par trouver un mari convenable, un notaire qu’elle était partie rejoindre dans sa ville de Koutaïssi. À son arrivée au pays, Stasia ne savait pas qu’en dehors des personnes que je viens de mentionner, la famille comptait un nouveau membre – encore dans son ventre. À cette date, elle était en effet déjà enceinte de son premier enfant, qui serait mon grand-père. La pâtisserie continuait de bien tourner, mais les menaces d’expropriation faisaient craindre pour les biens familiaux. La démocratie géorgienne chancelait.
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Une seule chose est sûre : lors de son retour dans son pays, il était déjà en possession de ce qui allait garantir son succès ultérieur (nul ne sachant rien jusque-là des effets secondaires de sa boisson magique). Au début, c’était une recette de simple chocolat chaud viennois. Une boisson confectionnée non à partir de cacao donc, mais de chocolat. À ce chocolat préalablement fondu étaient mêlés d’autres ingrédients. Mais quelque chose dans sa composition et dans sa préparation rendait ce chocolat très particulier, unique, irrésistible, bouleversant. Son arôme à lui seul était si intense et envoûtant qu’on ne pouvait s’empêcher de se précipiter dans la direction d’où il émanait. Ce chocolat, épais et consistant, noir comme la nuit avant un violent orage, était consommé en quantité réduite, chaud, mais pas brûlant, dans des tasses de petite dimension et – autant que possible – avec des cuillers d’argent. Son goût était incomparable, sa dégustation tenait d’une expérience supraterrestre, de l’extase spirituelle.
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Approche-toi, fais attention, prends ma main, oui, c’est bien, et regarde. Tu vois ce motif ? Je regardai attentivement les ornements colorés sur le tapis rouge. – Ils sont faits d’une multitude de fils isolés. Chacun de ces fils est à lui seul une histoire, tu comprends ? J’opinai, songeuse, sans être sûre de la comprendre. – Tu es un fil, je suis un fil… À nous deux nous formons un petit motif, et réunies à beaucoup d’autres fils nous composons tout un décor. Les fils sont tous différents, plus ou moins fins ou épais, et de couleurs différentes. Les motifs sont difficiles à déchiffrer séparément, mais lorsqu’on les observe réunis, ils révèlent des choses fantastiques. Regarde ici, par exemple. N’est-ce pas merveilleux ? Ce décor est tout simplement fabuleux ! La densité de nouage, le nombre des nœuds et les différentes structures des coloris, tout cela ensemble constitue la texture du tapis. Je trouve que c’est vraiment une bonne image.
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« L’homme sourit avec douceur (peut-être s’était-il déjà autorisé un ou deux verres de vin) et expliqua (il existe ici différentes versions de la légende, mais optons pour celle-ci) qu’il était content comme ça : le soleil brillait, cette journée était magnifique et il se contenterait de ce que Dieu voudrait bien lui accorder. Alors Dieu, bon comme à son habitude, impressionné par la désinvolture et le désintéressement de l’homme, lui offrit son paradis sur terre, la Géorgie, ton pays d’origine, Brilka, qui est aussi le mien et celui de la plupart des personnages dont je vais rendre compte dans notre histoire. Si je te dis cela, c’est pour que tu songes à ceci : dans notre pays, cette désinvolture (c’est-à-dire cette paresse) et ce désintéressement (ce manque d’arguments) sont véritablement considérés comme des qualités sublimes. »
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Tu veux être libre ? Alors sois libre. Tu veux danser ? Alors danse ! Tu veux être une épouse, alors sois-le. Ce n'est pas une honte. Mais tout ça n'est pas possible à la fois. Tout avoir, c'est comme ne rien avoir, Taso. Ouvre les yeux. Tu voulais danser, mais en même temps tu voulais être une bonne épouse pour ton mari ; tu veux avoir des amis poètes et en même temps tu veux être invitée aux réceptions du Partu ; tu veux être indépendante et travailler, mais tu es ici depuis bientôt six mois et tu vis toujours chez ta soeur ; tu veux avoir des enfants, mais ils te pèsent comme un fardeau. Que veux-tu exactement ? A qui veux-tu raconter des histoires ?
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Je dois ces lignes à une infinité de larmes versées, je me dois ces lignes à moi, qui ai quitté le pays natal pour me trouver et finalement me perdre encore plus ; mais surtout, c'est à toi, Brilka, que je dois ces lignes.
Je te les dois parce que tu mérites la huitième vie. Parce qu'on dit que le chiffre huit est égal à l’infini , au fleuve de l'éternel retour. Je t'offre mon huit.
Nous sommes liées par un siècle. Un siècle rouge. A tout jamais, plus huit. C'est ton tour, Brilka. J'ai adopté ton coeur et catapulté le mien au loin. Accepte mon huit.
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N'aurait-il pas fallu venir au monde deux, trois, quatre ou des multitudes de fois pour pouvoir répondre à tous les désirs ? A toutes les possibilités de ce monde ?
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Oui, jadis, je me suis cramponné à l'illusion que les mots pouvaient changer les choses. Que tout dire, tout exprimer pouvait faciliter les choses.
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Ne pas combler les attentes. Ne pas mériter l'amour. Ne pas entrevoir l'illusion d'un salut.
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