Citations sur Le spectre de la rue du puits (15)
En l’an de grâce 1419, la Livonie connaissait une relative accalmie. Les Frères Vitaliens avaient été chassés de la mer Baltique, même si le commerce au long cours comportait toujours des périls, les commandants de forteresses et les vassaux voisins des rivages ayant conservé l’habitude de piller les navires aux abords des hauts-fonds côtiers. Les villes échangeaient des missives, exigeant que les pirates soient châtiés et les marchandises restituées. Les deux années précédentes, la Livonie avait été frappée par la famine, car la sécheresse estivale avait ruiné les récoltes. Du coup, les paysans venaient plus nombreux que par le passé chercher travail et subsistance à l’abri des villes fortifiées. Les années de famine allaient encore ponctuer la décennie à venir – la faim était pour l’homme du moyen âge l’un des périls les plus graves et les plus fréquents.
— [...] plusieurs femmes de bourgeois qui l’invitaient à entrer chez elles et, là, lui demandaient de leur faire voir son long ustensile et lui faisaient, pour sa peine, des offrandes généreuses. Même, elles ne se contentaient pas de demander qu’il le leur montre, et certaines le touchaient, le maniaient, le caressaient, passaient la langue dessus et allaient parfois jusqu’à le prendre dans leur bouche, pour voir jusqu’à quel point il grandirait.
– Ce gentilhomme qui parle allemand comme si des pigeons avaient fait leur nid dans sa gorge ? Non, je ne l’avais jamais vu jusqu’à hier, quand il est venu fouiner par ici.
— C’est ainsi que le récit de ses fautes anciennes s’était répandu parmi les frères ; sans doute ces histoires avaient-elles aussi pris leur essor lorsque les frères avaient vu, quand ils étaient au sauna, que le membre viril du jeune Adelbertus était long et épais, du genre dont les femmes raffolent, de sorte que tous les frères qui le voyaient détournaient le regard et disaient en pensée une prière de remerciement, eux qui, plus modestement équipés, risquaient moins d’être en permanence induits en tentation.
— Ces Flamands sont tous des rapaces, des filous et des prétentieux, grommela Dorn en se levant. Je préférerais me tenir à distance. Mais si tu le veux, qu’il en soit ainsi, allons un de ces soirs chez les Têtes-Noires.
— On dit que ce qu’elle vit alors la réjouit fort, et que toutes les histoires qui circulaient à propos d’Abelardus étaient véridiques. C’était comme un arbre gigantesque qui s’était mis à pousser sous son habit de moine, et en voyant cela la femme l’avait saisi entre ses mains ; Abelardus n’avait plus trouvé en lui-même la force de résister, car sans doute les charmes de l’amour ne lui étaient-ils pas inconnus. Et qu’est-ce que je vois là, Melchior ? On dirait que tu n’es pas plus maître de toi que le jeune Abelardus !
— Elle a ajouté qu’elle avait beau être plus vieille que le moine, son conduit était comme celui d’une jeune fille, étroit et glissant, car étant stérile elle n’avait jamais enfanté.
— Quoi qu’il en soit, cet Unterrainer ne voulait plus coucher avec sa femme, mais elle au contraire était à un âge où elle ne pensait plus à rien d’autre qu’à coucher avec un homme, son entrejambe la démangeait, et elle tournait en rond comme une chatte en chaleur… Tu comprends bien, n’est-ce pas, que je ne fais que répéter…
— Que répéter ce que les gens disent, oui, bien sûr, continue ! » marmonna Melchior.
— On disait qu’il buvait beaucoup de bière et devenait alors très brutal, qu’il la fouettait et ne voulait s’unir à elle que par la force, debout et tout en la frappant pour lui faire mal, parce que c’était seulement ainsi que son membre arrivait à se redresser.
« Intéressant, dit Melchior. On se demande qui a vu tout cela, pour le savoir si précisément.
— C’est ce que disent les gens, répondit Keterlyn en souriant. Et tu sais bien que l’absence de témoin n’a jamais empêché un racontar de se propager.
— Admettons. Continue !
– Je n’en sais rien, mais il a fait tout le tour du couvent, puis il est venu s’installer ici, à la taverne, en demandant si on vendait de la bière – quel bouffon, je vous jure ! Demander si on vend de la bière à la taverne ! Je me demande bien ce qu’on pourrait vendre, des porcelets, peut-être ? Quel idiot ! Enfin, les Flamands sont bien tous les mêmes.