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Citations sur Le Palais du paon (11)

Il parlait sans conviction, terrorisé à la pensée de s'embarquer à nouveau vers un endroit qui ne l'attirait guère et qu'il ne connaissait pas. Il valait mieux rester là où il était et, se dit-il, se désagréger à l'intérieur, comme un homme qui est revenu à sa coquille de néant et de recommencement fonctionnels.
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"On prend des risques quand on vient dans cette brousse", et sa bouche esquissa un mouvement de mâchonnement ; il se grattait la gorge et toussait pour extraire de ses poumons les vieux mots couverts de cicatrices qu'il tirait de sa vie. Cela me fit penser au raclement d'un canot contre un rocher.
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Notre arrivée à la mission fut un jour de consternation et de foi étrange pour la colonie. La nouvelle se répandit comme un éclair de l'autre côté de la rivière et dans la brousse. Elle semblait tomber du ciel à travers la haute voûte nuageuse des arbres qui, se touchant à peine, laissaient apparaître entre eux un infime ruban d'espace. La surface du cours d'eau qui reflétait la nouvelle était d'une vérité et d'un satiné inexprimables, et les feuilles qui parsemaient la nouvelle depuis les cieux de la forêt reposaient sur une coque d'eau pleine d'espoir, comme si elles flottaient à la fois sur l'air et sur une pierre.
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Chacun d'entre nous tenait enfin dans ses bras ce qu'il avait toujours cherché, ce qu'il avait de tout temps possédé.
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Il me semblait que c'était cruel et désespérant de pressentir l'existence d'une telle perfection, car je me retrouvais seul face à mon énorme fragilité.
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« Rêveur, dit-il, réprobateur, me tapotant l’épaule comme un arbre qui m’aurait touché de sa branche, la vie est dure ici. Il faut être un démon pour survivre. Je suis le dernier propriétaire. Je te dis que je combats tout dans la nature, la crue, la sécheresse, la buse, le rat, la bête et la femme. Je suis à la fois sage-femme, docteur, geôlier, juge, bourreau. Je représente absolument tout pour les gens que je fais travailler. Regarde, mon vieux, regarde dehors. Primitif. Toute frontière est un mythe. C’est un no man’s land, tu comprends ?
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Tout l’équipage fut transformé par le spectacle terrifiant d’un mouvement muet et silencieux, par ce qui semblait être une vision si pure dans le chaos des émotions. Un tremblement de terre, une eau volcanique parurent les saisir et leur boucher les oreilles. Ils virent tout ensemble, dans leur nudité ondoyante et franche, le péril, la beauté et l’âme du chasseur et de sa proie, comme ils surent qu’ils mourraient s’ils rêvaient de revenir en arrière.
« C’est l’Ministère de la Guerre », hurla Schomburgh.
Mais sa voix était silencieuse et morte dans sa gorge. Bientôt nous prîmes intimement conscience de toute la gravité, de tout le poids de notre situation. Trompés par les symboles que recouvrait l’inhumaine sécheresse de l’année et par le rocher qui, humblement, s’inclinait, gardien de la rivière, nous nous étions engagés dans les rapides du Ministère de la Guerre. En cette saison, nous aurions dû longer l’autre rive. Faire demi-tour à présent en nous laissant porter par le courant, c’était nous abandonner à des flots si rapides et si imprévisibles que nous étions certains de heurter un obstacle, de nous briser, de nous fracasser. Il ne restait plus qu’à nous battre, qu’à engager toutes nos forces dans la lutte pour maintenir notre proue silencieuse et droite au cœur d’un amour incestueux, intolérant et intolérable.
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Sur la route apparut un cavalier qui filait à bride abattue. Un coup de feu claqua soudain, un coup de feu proche et pourtant lointain. On aurait dit que le vent, étiré, distendu, se déchirait, qu’il s’était lové pour jaillir dans l’instant. Le cavalier se raidit avec un sourire démoniaque et le cheval rua, avec un rictus diabolique, mordant les rênes. Le cavalier salua le ciel comme un pendu salue son bourreau. Il sembla glisser de la selle et roula sur le sol.
Le coup de feu m’avait cloué sur place et avait étouffé mon propre cœur dans le ciel. Je repartis soudain, m’approchant de l’homme étendu sur le sol. Ses cheveux couvraient son front. Quelqu’un nous regardait depuis les arbres et les broussailles qui encombraient le bord de la route. Quelqu’un me surveillait alors que je me penchais pour regarder l’homme dont les yeux ouverts fixaient le ciel à travers ses longs cheveux. Le soleil aveuglait et dominait mon regard de vivant mais l’œil du mort restait ouvert, clair et obstiné.
Je rêvai que je m’éveillais avec un œil mort qui voyait et un œil vivant qui restait fermé. Je posai mes pieds de rêveur sur le sol d’une pièce qui m’oppressait comme si je me trouvais dans une salle d’opération, une chambre de maternité ou, j’en eus soudain la sensation, dans la lumière aveuglante de la cellule d’un condamné à mort. Je me levai, saisi d’un étourdissement violent, et m’appuyai sur un énorme rocking-chair. Je revis la première fois que j’étais entré dans cette curieuse pièce vide : la maison se dressait, haute et isolée, dans un paysage plat et menaçant. J’avais senti le vent qui me berçait de la plus vieille incertitude et du plus vieux désir du monde, le désir de gouverner ou d’être gouverné, de dominer ou d’être dominé à jamais.
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Il sentit les cordes fines entonnant les mesures d'une harmonie universelle, qui s'accordaient à l'intérieur de lui par-delà la vie et la mort, le passé et le présent.
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C'était des rochers imaginaires mais bien visibles qui se dressaient impérieusement dans les amples ondulations de la rivière ; ils condescendaient à s'agenouiller et à s'asseoir, se détournant, s'inclinant et se courbant vers la tache lunaire pâle et mortelle, qui tournoyait devant eux calmement comme un disque harmonieux.
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