Je voulais partir. J'étais bien plus à l'aise et serein sur l'eau, loin des horreurs que les êtres humains fabriquent avec ce qui devrait être beauté et abondance.
Le vent, les arbres et le fleuve, les montagnes et les oiseaux, parlent eux aussi, mais en chuchotant. Ils parlent à travers vous. Ils parlent à votre sensibilité en vous faisant ressentir ce qu'ils ont à dire.
" Ne les écoute pas. Ils n'ont pas d'imagination. Pas de vision. Et ça les rend jaloux, parce que toi tu en as et ils vont essayer de t'empêcher, essayer de te changer. Mais ne les laisse surtout pas faire "
Une fois qu'ils ont atteint un certain âge, les rêveurs ne sont plus tenus en grande estime. On les raille, au contraire, on les traite de fous et de feignants. Même leurs amis, surtout leurs amis!
Ici, le lac est une toile bleue immobile.
Aussi bleue que le ciel. (Minisota : mot de la langue amérindienne dakota signifiant "eau peinte de la couleur du ciel".)
De grands arbres le bordent et le protègent du vent. Ils montent très haut, mais ils gisent aussi à l'envers dans l'eau. Le lac est un miroir. Je vois tout en double.
Un nuage de huards rase la surface puis s'élève haut dans le ciel, décrit une courbe et disparaît. Leur cri est bruyant et sauvage.
Le soleil descend, les ombres s'allongent, tout s'enveloppe de nuance de jaune et d'or.
Mais soudain, être noir, et grand, prenait un nouveau sens. Etre grand, à cause du long voyage qui m’attendait, assis en tailleur dans un canoë. Etre noir à cause de mes perceptions et de celles dont je serais l’objet.
Plus jeune, j’ai décidé de descendre le Mississippi, ses quatre mille kilomètres, depuis sa source au lac Itasca dans le Minnesota jusqu’à La Nouvelle-Orléans. Le genre d’exploit qui éprouve la force d’âme et de caractère d’un jeune homme, son courage, la confiance qu’il a en lui-même et celle qu’il a dans son pays. Chez moi, il y avait une raison bien plus profonde. Après sept années d’échec comme écrivain, j’avais besoin de me trouver, de trouver de quel bois j’étais fait, de découvrir si j’avais ce qu’il fallait pour… Finissez la phrase comme vous l’entendez. Je n’imaginais pas une minute que cette aventure allait changer ma vie. Je n’avais pas l’intention d’écrire un livre. Mais un livre est né et avec lui une vie d’écrivain.