Citations sur Mississippi Solo (57)
Ici, le lac est une toile bleue immobile.
Aussi bleue que le ciel. (Minisota : mot de la langue amérindienne dakota signifiant "eau peinte de la couleur du ciel".)
De grands arbres le bordent et le protègent du vent. Ils montent très haut, mais ils gisent aussi à l'envers dans l'eau. Le lac est un miroir. Je vois tout en double.
Un nuage de huards rase la surface puis s'élève haut dans le ciel, décrit une courbe et disparaît. Leur cri est bruyant et sauvage.
Le soleil descend, les ombres s'allongent, tout s'enveloppe de nuance de jaune et d'or.
En s’occupant ou en se distrayant suffisamment, on ne se risque jamais sur ce dangereux territoire de l’ennui, du déplaisir et de la peur. Trop de diversions empêchent parfois de mesurer à quel point on est heureux ou malheureux, drôle ou barbant, ce qu’on désire vraiment, ce qu’il nous faut ou ce dont on manque.
Nous autres les Noirs nous avons un nouvel ennemi. Nous-mêmes. Nous sommes les premiers à nous plaindre du manque d’opportunités, et puis quand l’un d’entre nous réussit, les autres Noirs lui en veulent.
Un renard roux se faufile jusqu’au bord de l’eau et court le long de la rive. Il se met à mon allure et semble me regarder, en restant à ma hauteur. Je n’ai encore jamais vu de renard à l’état sauvage. Je ne veux pas qu’il s’en aille. Je ne veux pas que cette journée s’achève. Cette sensation. Rien que quelques années encore. Rien que quelques heures de plus, quelques minutes, quelques instants. J’espère qu’à l’heure de ma mort, j’aurais ces mots sur les lèvres : rien qu’une minute encore. Non par peur de la mort pou par désir de vivre indéfiniment, mais parce que cette vie m’aura tant émerveillé, sans que sa laideur et ses peines aient assombri en riant la chaleur, l’éclat de la paix et la joie comme cette matinée sur le fleuve, et j’en demanderai seulement quelques minutes de plus.
Prendre des risques. N’est-ce pas le sel de la vie ? Parfois on gagne, parfois on perd. Sans le risque de la défaite, où est le triomphe ? Sans la mort qui rôde, que vaut la vie ?
Les mères font davantage confiance à leur fils que les pères.
Une fois qu’ils ont atteint un certain âge, les rêveurs ne sont plus tenus en grande estime. On les raille, au contraire, on les traite de fous et de feignants. Même leurs amis. Surtout leurs amis !
Les rêves sont délicats, tissés de fils de la Vierge. Ils s’accrochent légèrement à la brise, comme suspendus au néant. Le moindre coup de vent les déchire. Mon rêve a été brisé par mes amis. C’est quoi le but ? Qu’est-ce que tu veux prouver ? Pourquoi pas les chutes du Niagara en tonneau, tant que tu y es ?
Pour certains, la couleur de la vie est le rouge. Pour d’autres, c’est le noir et le blanc. Mais moi je sais que la couleur de la vie, dans ce pays du moins, c’est le vert. Si vous pouvez payer, en général, vous pouvez jouer. ( page 324)
Les vacances , c’est superficiel. Un pèlerinage, c’est intérieur. L’aventure combine les deux. (Page 54)
J’ai cet âge magique, trente ans, où un homme s’arrête pour faire le bilan de sa vie et repense à tous ses rêves de jeunesse qui ne se réalisent pas. Pas d’ascension de l’Everest, ni de sélection chez les Yankees, ni de grand rolan américains. A la place, la réalité : femme, bébés et emprunts, retraite sécurité. Pas de risques. Plus de chutes. Plus de genoux écorchés. Pas de grands échecs. Je me suis dit : est-ce la fatalité ? (pages 10 et 11)