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Critique de fbalestas


Voilà une petite pépite découverte suite à un article et un billet sur Babelio.

Dans « la main sur le coeur », le narrateur enquête sur un portrait réalisé par Le Greco lorsqu'il était à Tolède.

Tolède, prétexte d'un pèlerinage pour le narrateur, qui revient sur ces terres espagnoles qu'il a parcourues jadis avec son meilleur ami, un certain Pierre Veilletet, dont il vient d'apprendre le décès.

Le Greco a peint le Gentilhomme à la main sur la poitrine (El Caballero de la mano en el pecho) entre 1578 et 1580. Conservé au Musée du Prado, il est prêté à Tolède à l'occasion d'une rétrospective pour le 400ème anniversaire de la mort du peintre.

Mais qui était vraiment ce gentilhomme à la main sur la poitrine ? Un serviteur de Philippe II, comme l'explique Leticia Ruiz, conservatrice du musée du Prado que le narrateur rencontre, prénommé Juan de Silva, marquis de Montemayor, chef militaire de la forteresse de l'Alcazar et simple notaire du royaume ?
Ou bien le comte de Portalegre, espion, aventurier, noble et militaire, comme le prétendu Fernando Marias, commissaire de l'exposition de Tolède ?

Et le Greco lui-même, qui était-il ? Etait-il vraiment catholique, ou bien plus proche d'une Thérèse d'Avila, ou de Jean de la Croix comme l'explique Patrick Royannais, prêtre de la paroisse de Saint-Louis-des Français ?

Au fil de l'enquête menée par le narrateur, on en apprend un peu plus sur cet ami étrange, ce Pierre Veilletet, éditorialiste dans un journal du Sud Ouest (comme l'auteur) et écrivain d'un roman qui lui vaut une certaine reconnaissance. Mais cet ami, dont le narrateur est totalement admiratif, semble souffrir d'un curieux syndrome : s'il a frôlé le succès au point que son nom, une année, avait été inscrit sur la liste du Goncourt, il semble ensuite s'être enfermé dans la solitude, ce qui conduit le journal qui l'emploie à le licencier, et s'éloigner de tous, y compris du narrateur qui ne comprend pas vraiment les raisons de cet éloignement.

Le Greco lui-même souffrait de la froideur du roi qui, après lui avoir commandé le Martyre de saint Maurice pour son palais de l'Escurial – un tableau magnifique, très inspiré, peut-être trop, qui lui vaudra d'être relégué à Tolède où il va peindre des portraits de l'aristocratie locale.

Il y a un destin commun entre Le Greco et ce Juan de Silva, qui servit pourtant fidèlement son roi, allant jusqu'à accompagner son fils un peu fou et emprisonné par son père jusqu'à sa mort, puis partant combattre auprès des Maures, et enfin accompagné le neveu du roi ; Sébastien, roi du Portugal, au Maroc dans la région de Larache, dans une bataille sans aucune chance de réussite, puis préparant ensuite l'ascension de Philippe II au trône du Portugal, mais sans pour autant que le roi reconnaisse ses mérites.

Il y a un destin commun entre les trois personnages, puisque ce Pierre Veilletet, drôle mais aussi affabulateur, recherchait aussi une forme de reconnaissance qui ne vint pas.

D'un style très littéraire, Yves Harte nous livre une réflexion sur la recherche du plaisir d'être reconnu par un autre, et l'amertume de ne pas l'être. Faut-il y ajouter le destin de l'auteur lui-même ?

Né en 1954, journaliste et grand reporter, ayant reçu le Prix Albert Londres, et passionné d'Espagne, il fait en tout cas ici preuve de sensibilité artistique et de finesse, et dressent le portrait d'hommes qui auront visé toute leur vie une forme de reconnaissance dont ils auront été injustement privés – souhaitons qu'avec ce récit Yves Harte trouve la sienne auprès de ses lecteurs.
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