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Critique de Melisende


A l'approche d'Halloween, quoi de mieux que de lire un livre qui transporte son lecteur dans une ambiance bien particulière et qui le fait frissonner ? le Carnaval aux corbeaux – premier tome de la saga le Nibelung – était tout indiqué.
J'avais déjà eu la chance de le lire dans une de ses versions précédentes (en bêta-lecture) mais j'étais absolument ravie – et très curieuse – de le redécouvrir dans sa mouture finale… et pour l'occasion en lecture commune avec Carolivre !
Toutes les deux conquises par la richesse de l'univers créé par Anthelme Hauchecorne et par sa plume exquise, nous attendons la suite !

C'est dans un petit bourg alsacien en apparence tranquille que nous faisons la connaissance de Ludwig Poe et de Gabriel Grimm, deux jeunes garçons de 13 ans que tout oppose mais que la bizarrerie rapproche.
Ludwig vit seul avec sa mère, abandonné par son géniteur à la naissance. Passionné par le spiritisme, il tente de recevoir des messages de l'au-delà et notamment de Charles, son père porté disparu. de son côté, Gabriel est le descendant d'une des familles fondatrices de la ville, famille qui cache de sombres secrets…
Les deux garçons vont trouver des réponses grâce à l'arrivée de l'abracadabrantesque carnaval, parade fantôme tout droit sortie du lac et qui, tous les 13 ans au moment d'Halloween, revient hanter la ville, bien décidée à se venger de ses habitants. le monde des morts côtoie alors celui des vivants pendant quelques jours et les conséquences sont terribles !

Je ne parlerai pas vraiment d'empathie envers les personnages puisque ce ne sont pas des figures auxquelles on s'identifie (on ne sent pas forcément très proche de ces deux gamins ou des « monstres » de la foire, ils ne deviennent pas nos meilleurs amis littéraires) mais pour lesquelles on ressent une grande curiosité. On a envie de découvrir leur passé, leurs secrets… et évidemment leur avenir ! On suit donc les aventures des deux jeunes héros avec avidité et on se surprend à s'attacher un peu à eux bien que l'émotion et la tendresse pour les personnages ne soient pas l'élément principal et l'intérêt de cette lecture, à mon avis. Ici, on parle de quête identitaire, de grandes aventures et surtout d'une parade monstrueuse fantôme !

Récit chorale, le lecteur suit trois points de vue différents à travers de courts chapitres. La caméra est principalement fixée sur Ludwig Poe et Gabriel Grimm, les deux héros de 13 ans. Plus rarement au cours du récit, le lecteur entraperçoit également les aventures de Julia Poe, mère célibataire de Ludwig, qui cherche elle aussi quelques réponses à ses questions, bien qu'elle assure le contraire à son fils.
Ce choix narratif a l'avantage de rythmer le récit. Une chose est sûre, on ne s'ennuie pas une seule seconde ! Les actions sont très nombreuses, les rebondissements et retournements de situation sont au rendez-vous… c'est clairement une intrigue très dense et donc très riche. le lecteur a l'oeil de tous les côtés, les pièces du puzzle s'emboîtent petit à petit jusqu'à révéler des secrets bien enfouis… Malheureusement, ce choix a les défauts de ses qualités : il peut perdre le lecteur qui ne sera pas assez concentré sur sa découverte. On arrive parfois à se demander comment un même personnage a pu passer d'une situation à une autre, d'un chapitre à l'autre. Ce n'est pas une gêne insurmontable et on finit toujours par se repérer sur le fil rouge principal, mais ne vous attendez pas à être en mesure de résumer chaque action dans l'ordre lorsque vous aurez tourné la dernière page !

Plus qu'un livre qui fait peur, le Carnaval aux corbeaux est surtout un titre qui plonge le lecteur dans une ambiance bien spéciale : un mélange des créations de Tim Burton et du vieux film Freaks sorti en 1932 et qui mettait en scène une monstrueuse parade ! Anthelme Hauchecorne me l'a déjà prouvé à plusieurs reprises, son point fort, c'est le contexte. Là encore, rien à redire de ce point de vue-là, c'est définitivement ce que j'ai préféré et ce que je retiens ! Il faut dire que l'auteur possède de solides références et qu'il n'hésite pas à les disperser dans son récit. Des personnages qui se nomment Poe et Grimm, ça annonce déjà la couleur, non ?
Multipliant les citations à des oeuvres mythologiques, folkloriques, littéraires et cinématographiques, Anthelme Hauchecorne s'amuse à créer des scènes à l'imagerie très forte. Qu'il s'agisse de l'apparition du train fantôme à la sortie du lac ou plus généralement de toutes les scènes se déroulant pendant le tournoi dans la fête foraine, le lecteur en prend plein les yeux. L'ensemble s'accroche à notre esprit et il est quasiment impossible de l'en déloger.

Pour cela, le lecteur est aussi aidé par les belles et nombreuses illustrations dispersées tout au long du texte, signées Loïc Canavaggia et Mathieu Coudray. En pleine page, en noir et blanc, elles sont un plus non négligeable et offrent un visuel sur lequel on peut s'appuyer, auquel on peut se référer. Les trois créateurs ont travaillé main dans la main et je trouve que le résultat est particulièrement cohérent.
De toute façon, l'objet-livre proposé par les éditions du Chat Noir vaut le détour à lui tout seul ! Relié donc avec une couverture cartonnée (en dur) et surtout entièrement décoré à l'intérieur, vous serez dans l'ambiance dès la première page tournée ! Chaque page contient en effet de nombreux détails stylisés, qu'il s'agisse des en-têtes de chapitres ou des séparations de ceux-ci, chaque élément est pensé… et BIEN pensé. Bref, c'est un objet superbe !

Grand technicien de la langue, Anthelme Hauchecorne manie les mots avec brio. Les tournures de phrases sont plutôt complexes – dans le sens où l'auteur ne se contente pas de la formule sujet-verbe-complément – et l'ensemble donne une impression de raffinement. Là encore, il vaut mieux être concentré. Si le vocabulaire utilisé n'est pas franchement compliqué – bien que parfois un peu désuet, personnages obligent ! – nous ne sommes pas (plus) forcément habitués à un style si travaillé. Installez-vous confortablement avec le livre et mettez-vous en condition ; le Carnaval aux corbeaux n'est pas un titre que l'on lit comme ça, deux minutes par-ci, deux minutes par-là en attendant le bus, non, c'est une lecture un petit peu exigeante… mais qui le vaut bien !
Rassurez-vous, une fois happé par l'histoire, la lecture devient fluide surtout que, derrière l'effroi et le drame, Anthelme Hauchecorne n'oublie pas le cynisme et l'humour qui sont devenus sa marque de fabrique. On ne rit pas à gorge déployée mais on sourit parfois franchement et là encore, la comparaison aux créations de Tim Burton n'est pas exagérée, à mon avis.

Premier tome d'une saga, le Carnaval aux Corbeaux nous emporte dans un récit complet, dense et construit autour d'un imaginaire très particulier et particulièrement palpable. Même si la fin laisse entrapercevoir dans quelle direction ira le tome suivant, vous pouvez vous arrêter à cet épisode… mais je suis sûre qu'une fois que vous serez plongés dans cette aventure, vous aurez envie d'en lire plus !
Si ce récit vous intrigue, je vous invite à vous y plonger sans plus tarder… et si le style vous plaît, je ne peux que vous conseiller les autres titres de l'auteur, notamment son petit dernier – Journal d'un marchand de rêves – tout récemment sorti et une nouvelle fois délicieusement barré et onirique !
Lien : http://bazardelalitterature...
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