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Critique de fanfanouche24


Relecture 24 décembre 2021

La première fois que je fus bouleversée, captivée par cette auteure, ce fut avec son roman « le Mur invisible »…J'ai ensuite poursuivi ma connaissance de son oeuvre abondante, par ses recueils de nouvelles où nous retrouvons des thèmes récurrents et permanents : La Solitude dans le couple, les différences de sensibilité entre les hommes et les femmes qui les font le plus souvent rester étrangers les uns aux autres, la peur, toutes les peurs issues des non-dits, de la solitude immense de chaque être, et plus particulièrement les femmes, les histoires d'amour qui finissent rarement bien, l'aspiration et le besoin du Beau…, le refus des limites des conventions sociales, la nécessité de démesure, de fantaisie, de création, d'un idéal à se construire et à vivre, un refus de la routine, et des règles sociales sclérosantes, etc.

Dans ce recueil de nouvelles d'inégale importance, l'une de mes préférées est « le Legs » (dont je transpose un extrait ci-dessous), d'autres nous interpellent comme celle, incroyable, intitulée « La Nuit », qui exprime au plus juste toutes les peurs diffuses de plusieurs personnages, « peurs » venant de très loin, qui se déploient pendant ce temps du sommeil : peur de mourir, peur de disparaître, toute la vie mystérieuse fourmillant dans la nature, nous entourant….

Une autre est à remarquer qui offre de façon inhabituelle un ton moqueur, ironique, une sorte de légèreté pour décrire cette incompréhension quasi constante entre l'esprit, la psychologie des hommes et des femmes, dans la vie de couple, ayant la plupart du temps, du mal à coïncider , à se rejoindre.

Cette nouvelle « hilarante » nommée : « (a +b) (a-b) ¨¨ a2 –b2- Une agréable soirée à la maison » : Une épouse apparemment docile, pour faire plaisir à son mari ,accepte des exercices de sa part, pour l'instruire sur tel ou tel sujet dont Monsieur a envie de discuter ensuite, mais comme à ses yeux, sa femme n'est jamais à son niveau, il entreprend chaque fois de l'instruire ; et ce jour là, « Monsieur » avait décidé de se lancer dans un ouvrage de mathématiques. Il soumet son épouse à différents premiers exercices dont elle réussit à se sortir assez « honorablement », mais cela ne dure guère ; il s'agace, la traite de « cruche, d'inepte, pour finalement la déclarer « cas désespéré ». !!!
Ce qui ne peut que faire rire c'est le dédoublement de l'épouse : faussement obéissante et arrangeante, on lit ses pensées intérieures, pleines d'ironie :
« Elle était impressionnée. Pas tout à fait autant qu'elle feignait l'être, mais tout de même ! Elle aimait entendre dans sa voix-comme c'était le cas maintenant-ce ronronnement de matou satisfait » (p. 71)

Je reviens au « Legs », qui reste la nouvelle qui m'a le plus marquée dans ce recueil…
« Quand l'été fut revenu, je l'autorisai à aller s'asseoir dans le jardin. Je lui offris une grande boîte de crayons de couleur; elle en éprouva un bonheur d'enfant. Elle dessina tout ce qui lui passait devant les yeux. Les joues brûlantes, elle levait les yeux su moi et me montrait ses dernières oeuvres.
-La seule chose que je regrette, se plaignit-elle une fois, c'est que ces couleurs soient beaucoup trop ternes, elles devraient être plus ardentes, plus lumineuses, telles que je vois les choses. (p. 33)”

Ce legs est celui d'une jeune femme sur le point de mourir qui aimerait léguer à son ancien compagnon “son regard”, un regard plus vif, moins conventionnel que cet homme amoureux, toutefois par trop conventionnel, n'ayant pas compris ou pire, ayant été effrayé par l'impétuosité, la fantaisie, la liberté, les excès de sa compagne, Régine. Il réalisera tout ce qu'il a manqué, raté, lorsque celle-ci sera sur le point de mourir ! Il se réveillera enfin… Régine lui aura offert, légué un REGARD neuf sur la Vie !

Une relecture très appréciée…même si l'univers de Marlen Haushofer est désabusé et assez sombre. L'analyse psychologique des personnages, ainsi que son style sont comme ciselés, très approfondis et affinés, en étant à la fois, dans l'épuré, l'Essentiel : l'Universelle difficile compréhension entre les êtres !
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