Le legs
Quand l'été fut revenu, je l'autorisai à aller s'asseoir dans le jardin. Je lui offris une grande boîte de crayons de couleur; elle en éprouva un bonheur d'enfant. Elle dessina tout ce qui lui passait devant les yeux. Les joues brûlantes, elle levait les yeux su moi et me montrait ses dernières oeuvres.
-La seule chose que je regrette, se plaignit-elle une fois, c'est que ces couleurs soient beaucoup trop ternes, elles devraient être plus ardentes, plus lumineuses, telles que je vois les choses. (p. 33)
Le Legs
J'ai trente ans et trois jours. J'ai dormi trente ans, je vis depuis trois jours. (...)
Quand on attend l'âge de trente ans pour commencer à vivre, on n'a plus beaucoup de temps de se creuser la tête. J'ai une enfance et une jeunesse à rattraper; on admettra que c'est là une tâche considérable pour un être humain qui ne se sent pas encore bien solide sur ses jambes. (p. 19 )
La Blessure
Or, qu'y a-t-il de plus insupportable que de vivre avec quelqu'un que l'on a aimé et qui sait tout de vous ? il n'aimait pas que l'on sût des choses sur son compte. Cette fille et lui feraient très bien la paire; uniquement préoccupée d'elle-même, elle ne se soucierait jamais sérieusement de lui. (p. 81)
La Nuit
Il n'aimait pas la nuit et savait qu'il fallait empêcher ce doute monstrueux de grandir car il détruirait sinon ce qui restait de sa vie. le père s'écarta prudemment du mur noir et pensa au jour à venir. Il fallait tailler les rosiers. Il aimait les roses et ne voulait pas cesser d'aimer. Epuisé mais souriant, il s'endormit. (p. 100)
Le Legs
Je fus très mécontent, et honteux aussi, de constater qu'elle-une fille !- était beaucoup plus vive d'esprit que moi et qu'elle comprenait immédiatement l'essentiel des choses. (p. 23)
La promenade en traîneau
Aussi loin que remontent ses souvenirs, elle ne connaît que ce désir ardent et mal défini de chaleur et de bonté. Mais n'est-ce pas un peu léger pour pouvoir vivre ? (p. 61)
Le legs
Le mois de juin passa. Vint le mois de juin. Régine commença à souffrir. Mais elle refusait toutes mes poudres et mes piqûres-Je veux tout éprouver, jusqu'à mon dernier souffle, disait-elle. Comprends-moi ! C'est la dernière chose que je pourrai ressentir et c'est encore de la vie ! (p. 36)
La promenade en traîneau
Le lit dégage un parfum de linge frais. On peut poser la joue contre le bon lin et fermer les yeux. En ville, jamais le linge ne sent le soleil et l'eau de pluie. On ne trouve ce parfum qu'ici. (p. 61)
La promenade en traîneau
-Tu as changé, Hedwig, dit-il en hésitant.
Six années sont un bail quand on vit en ville. Ici, rien ne change. Le temps nous absorbe insensiblement...(p. 57)
La Blessure
Son malheur était de ne pouvoir s'enivrer réellement. Même quand ses jambes le lâchaient, ses pensées ne l'abandonnaient jamais tout à fait. Sa femme, elle, n'était pas à plaindre; elle était couchée et dormait. Pourtant...peut-être ne dormait-elle pas, peut-être pleurait-elle un peu. Il lui fournissait assez de raisons pour cela. Néanmoins son sort était enviable car elle l'aimait toujours et souffrait à cause de lui tandis que lui n'aimait personne et souffrait quand même; c'était une douleur en demi-teinte, harcelante, sans objet. (p. 80)