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Critique de si-bemol


A comme “Adultère”. Lettre majuscule, infamante, écarlate - comme la honte et l'impudeur - , lettre de feu qu'elle devra désormais porter cousue sur sa poitrine, elle la femme déchue, marquée aux yeux de tous et pour toujours du sceau du déshonneur, elle : Hester Prynne. Tel en ont décidé, en l'an de grâce 1642, le tribunal de Boston, Massachusetts, et son prévôt, incarnation de “l'affreuse sévérité de la loi puritaine dans sa totalité qu'il lui appartenait de faire respecter à la lettre et sans recours”, qui la condamnent en outre au pilori - exhibition honteuse de son indignité offerte au mépris de toute la communauté.

En Nouvelle Angleterre, dans cette société puritaine de la première moitié du XVIIe siècle, elle a en effet commis l'irréparable : prendre un amant et, circonstance aggravante, concevoir avec lui un enfant du péché. Seul le fait que son mari soit considéré par tous comme officiellement disparu, qu'elle se soit donc estimée veuve et autorisée à aimer à nouveau lui a permis d'échapper à la peine de mort - sentence prévue par la loi pour la faute d'adultère.

Mais voilà qu'exposée au regard de tous sur le pilori de l'infamie elle reconnaît dans la foule qui la contemple avec mépris le mari qu'elle croyait mort, qui réapparaît soudain sous une nouvelle identité et lui enjoint, d'un geste discret, de se taire. Et tandis qu'elle refuse par ailleurs obstinément de révéler le nom de son amant, ce mari qui, la retrouvant enfin la découvre adultère, cet homme dangereux, trouble et profondément malveillant ne vivra plus que pour sa vengeance…

"La lettre écarlate" raconte, selon les mots de son auteur, “une histoire qui est celle de la faiblesse et de la misère humaine” et fait le portrait d'une société à laquelle le corset du puritanisme sert de masque à l'hypocrisie, la médisance, la jalousie et l'absence d'empathie et de coeur. Une société où les femmes “bien pensantes”, raidies dans leur apparente vertu, sont des parangons de malveillance, où l'homme tout puissant dicte à tous - et particulièrement aux femmes - ses lois iniques qu'il prétend être d'essence divine.

Premier grand roman de la toute jeune Amérique, publié en 1850 et tout imprégné des influences du romantisme européen, "La lettre écarlate" est également le roman de l'amour interdit, du secret, des passions dévorantes et des sentiments inavouables - remords, désir de vengeance, haine, lâcheté et désespoir. A partir de ce schéma classique du trio amoureux - la femme, le mari, l'amant - dont deux des protagonistes, ici, portent des masques, Nathaniel Hawthorne tisse une intrigue puissante et noire, admirablement écrite, où sont analysés avec finesse les débordements de la passion et la houle, irrationnelle et désordonnée, qui s'agite dans le secret des coeurs.

Il en émerge, superbe et lumineux, le portrait d'une femme admirable et libre dont la médiocrité de son entourage et de son époque ne sauront abattre ni la noblesse, ni le courage.

Un grand roman, indémodable, et une très belle lecture.

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