Une jolie fille comme ça

C'est le premier livre que je lis d'Alfred Hayes. Il a collaboré avec les plus grands comme Roberto Rossellini, Fritz Lang, Georges Cukor et j'en passe. C'est un homme discret à la plume ironique et sobre. Les personnages ne sont pas nommés, ce qui rend le récit plus universel. le narrateur sauve une jolie fille de la noyade. Nous sommes à Hollywood dans les années 50 et il y a toujours ce genre de starlettes qui marchent au bord du gouffre avec des cheveux qui retombent en boucles sur leurs épaules et qui toisent le pacifique un verre à la main en espérant décrocher un rôle. Elle est bien jolie cette fille-là sans trop de charme et puis elle aime se glisser dans son lit avec son chat tout contre elle. C'est pas vraiment le genre de fille qui l'attire, lui, le scénariste solitaire, l'homme désabusé, il aime plutôt les filles sportives. Mais comment résister à une aventure alors que sa femme et sa fille sont à New York. La fille le rappelle pour s'excuser, il l'emmène dîner, ils se sentent très seuls tous les deux. Elle a un air de femme blessée, elle se noie dans le gin et fume un peu trop pour oublier la vacuité de sa vie. Il éprouve de la compassion pour elle. Malgré ces signaux désastreux avant-coureurs, l'homme se laisse séduire, c'était inévitable. Ce roman ressemble à son auteur, c'est une création littéraire à la poésie désespérée. Je me suis attachée à ces deux personnages séduisants et cependant tellement superficiels ! Lui, gagne beaucoup d'argent et n'a que faire de son milieu de plus il délaisse son épouse pour laquelle il n'a plus aucun désir. Elle, écrouée et vissée dans sa soumission à l'ordre cinématographique, tombe dans l'alcool et dans les jeux de la séduction pour s'en libérer. Chassée d'un rêve impossible, elle vit en recluse dans un simple appartement avec son chat qui l'aime et qu'elle aime à la folie. Quel est son crime ? L'innocence, on le croit au début et peu à peu on découvre qu'elle n'est peut-être pas celle que l'on croit. Elle expie et découvre la culpabilité. Ils se débattent l'un comme l'autre dans cette touffeur. Cette tonalité grave et sourde est aussi omniprésente dans « les noces rebelles » de Richard Yates. Une jolie fille comme ça est un court roman qui tourne autour de l'étouffement malgré son titre teinté de rose. Alfred Hayes nous en dit long sur la force et le chagrin, sur la détresse sentimentale de l'héroïne, sur la folie qui la poignarde, sur les désillusions, sur la solitude, sur les frustrations qui mettent les âmes à vif où la réalité semble se venger. Je trouve que ce texte mérite toute notre attention.
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