Les vauriens de Havisham, tome 2 : Et le comte rafle la belle

Toutes les histoires sont des mensonges, néanmoins il y a toujours un fond de vérité en elles.

Albert était destiné à partir jeune, vous savez. Il avait une vieille âme, comme mon épouse. Je le voyais dans ses yeux.

Le cœur était un maître cruel : il ne vous accordait que des espoirs déçus. 

Elle n’avait aucunement l’intention de comparer les frères. Néanmoins, ce qu’elle éprouvait pour Edward ne ressemblait à rien de ce qu’elle avait connu. C’était vibrant, vivant, intense. Et pour être honnête, cela l’effrayait. Edward semblait capable de mettre au jour ses secrets les plus intimes – sans honte, sans remords, sans culpabilité. À coup sûr, s’ils s’abandonnaient à leurs désirs, elle craignait qu’ils ne se brûlent. Mais au-delà du contact charnel, c’était comme si leurs âmes se touchaient.

Un homme est toujours tenté quand une dame révèle ses chevilles.

Une femme n’avait pas le droit d’épouser le frère de son mari défunt.

— Nous avons toujours le choix. De vivre sous le joug de la loi ou pas. Vous ne devriez pas présumer de mes intentions.

— Vous avez raison. Je ne pensais qu’à ce que je voulais et au meilleur moyen de vous rendre heureuse. Je vois maintenant que ce n’était pas juste pour vous.

— Cela ne l’aurait été pour aucun de nous deux. Vous auriez vraiment voulu vivre avec une femme qui pensait aimer quelqu’un d’autre ?

— Je ne sais pas. Je n’avais jamais aimé personne avant.

Elle était la première. De toutes les femmes qu’il avait connues, il n’en avait aimé aucune. Elle trouvait cela à la fois triste et flatteur.

Il est arrivé ce qui est arrivé. Ce n’est la faute de personne. Il y a eu mille occasions où un choix différent aurait tout changé. Nous croyons toujours qu’emprunter un autre chemin aurait été mieux. Mais la réalité, c’est que nous pourrions tout aussi bien nous retrouver dans une situation pire encore.

Elle songea à toutes ces fois où il l’avait regardée avec désir et avidité, où il lui avait donné l’impression qu’aucune autre femme ne comptait pour lui, qu’aucune autre femme ne pourrait le satisfaire.

Quelle idiote. Ce soir, il était avec cette veuve. Elle espérait que c’était une vieille femme toute ridée et édentée. Mais, en vérité, elle la soupçonnait d’être jeune et jolie, et plus que disposée à offrir une nuit de réconfort à un homme aussi séduisant, aussi superbement bâti.

Elle comprenait maintenant pourquoi il buvait, pourquoi il cherchait à s’abrutir les sens. L’imaginer dans les bras d’une autre lui donnait envie de pleurer alors qu’elle n’avait aucun droit sur lui, qu’il n’avait aucune raison de lui être fidèle.

. La vision de cet homme si grand, si puissant, allongé dans le petit lit avec sa fille endormie sur son cœur lui donnait envie de pleurer. Elle aurait voulu ne pas être aussi émue. Maudit putois qui s’était porté au secours de la princesse. Maudit soit son propre cœur qui se réjouissait de le voir là.

Il avait perdu du poids. Des cernes sombres soulignaient ses yeux. Même endormi, il paraissait fatigué. Était-il juste de le punir d’avoir fait ce qu’Albert lui avait demandé ? Non, le châtiment était pour les six semaines pendant lesquelles il lui avait caché la vérité et préféré la séduire.

Elle était veuve, l’était en fait depuis plus de quatre mois. Pourtant, les moments passés avec Edward avaient tempéré son chagrin. C’était surtout pour cela qu’elle le détestait. Alors qu’elle se croyait avec son mari, elle vivait en réalité avec son frère. Sa façon de la faire rire, de l’étreindre, sa présence à ses côtés quand elle avait mis sa fille au monde. L’aveu qu’il était tombé amoureux d’elle.