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Critique de pompimpon


"Stevens debout, inondé de lumière, l'ombre noire de son chapeau sur ses yeux, vient de faire son apparition dans l'encadrement de la porte. À partir de là tout va aller très vite à Griffin Creek. Mon oncle Nicolas, ma tante Irène, Stevens, Perceval, Olivia et moi serons tous emportés par le mouvement de notre propre sang, lâchés dans la campagne, au grand galop de la vie et de la mort."

En 1982, le grand galop de la vie et de la mort a desséché les façades de bois des maisons de Griffin Creek, dont la plupart sont à l'abandon.
Griffin Creek, entre Cap Sec et Cap Sauvagine, où s'étaient installées quatre familles fuyant la révolution américaine, deux siècles plus tôt.
Leurs descendants sont tous cousins, recroquevillés sur leur vie réglée par les contraintes et la peur d'un Dieu tout-puissant dont le pasteur Nicolas Brown tonne les lois du haut de sa chaire.

Il est vieux et seul, hormis les deux jumelles qui s'occupent de sa maison depuis qu'elles ont douze ans. Leur présence légère ne suffit pas à empêcher les souvenirs de l'été 1936 de venir le hanter.

Après lui, quatre personnages prendront successivement la parole, pour raconter ces trois mois d'été précédant la disparition de Nora Atkins et Olivia Atkins, le 31 août 1936, et après aussi.

Anne Hébert sait distiller le malaise goutte à goutte, entre les hommes jeune et vieux qui perdent la tête devant les jeunes filles et celles-ci qui ne semblent pas vraiment comprendre qu'elles sont en danger, ou aimeraient peut-être en jouer, ou les deux.

Elles n'ont de toute façon que le droit d'obéir, et celui de rêver au prince charmant, de se marier et de faire des enfants avec la bénédiction de leurs familles.
En attendant, elles sont surveillées par leurs pères et leurs frères, et Anne Hébert fait bien sentir le poids de ces regards les épiant sans cesse.

C'est d'une belle plume que la romancière québecoise accompagne ses narrateurs, adaptant son style à chacun d'entre eux et nous permettant par là même de ressentir ce qui les agite.
Elle laisse parfois traîner quelque indice, mais la culpabilité de la disparition de Nora et d'Olivia pèse autant sur tout Griffin Creek que sur l'un ou l'autre de ses habitants, jusqu'aux dernières lignes.

J'ai eu un peu de mal à rentrer dans cet ouvrage, longtemps après une première lecture qui m'avait enthousiasmée, à l'époque de sa publication.
Puis je me suis intéressée davantage à ces quelques maisons fouettées par les vents et à leurs habitants, fermés au monde extérieur, emmêlés dans leurs liens familiaux inextricables, bercés, encerclés, malmenés par les éléments.

Et après un bon tiers du livre, j'ai vraiment été emportée par la poésie étrange qui s'en dégage, comme par l'envie de savoir pourquoi-comment, et qui aussi, jusqu'au bout de cette histoire terrible.
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