L'esprit conquiert sa vérité seulement à condition de se retrouver soi-même dans l'absolu déchirement. (...) l'esprit est cette puissance seulement en sachant regarder le négatif en face, et en sachant séjourner près de lui.
Ainsi l'esprit qui se forme mûrit lentement et silencieusement jusqu'à sa nouvelle figure, désintègre fragment par fragment l'édifice de son monde précédent.
L'impatience prétend à l'impossible, c'est à dire à l'obtention du but sans les moyens. D'un côté, il faut supporter la longueur du chemin, car chaque moment est nécessaire; -- de l'autre, il faut s'arrêter à chaque moment et séjourner en lui.
Le bouton disparait dans l'éclosion de la fleur, et l'on pourrait dire qu'il est réfuté par elle; de même le fruit dévoile la fleur comme un faux être-là de la plante et, comme sa vérité, prend la place de la fleur. Ces formes ne diffèrent pas seulement entre elles, elles se refoulent comme incompatibles les unes avec les autres. Mais leur nature fluide en fait en même temps des moments de l'unité organique au sein de laquelle non seulement elles n'entrent pas en opposition, mais où l'un des moments est aussi nécessaire que l'autre, égale nécessité qui constitue, seule, la vie du tout.
A la facilité avec laquelle l'esprit se satisfait peut se mesurer l'étendue de sa perte.
L'esprit ne conquiert sa vérité qu'en se trouvant lui-même dans l'absolu déchirement. (...) Il n'est cette puissance qu'en regardant le négatif en face, séjournant auprès de lui.
La frivolité et l'ennui qui envahissent ce qui subsiste encore, le pressentiment vague d'un inconnu sont les signes annonciateurs de quelque chose d'autre qui est en marche.
La raison est l'opération conforme à un but.
C'est, en effet, seulement parce que le concret se divise et se fait non effectivement réel qu'il est ce qui se meut.
Le bourgeon disparaît dans l'éclosion de la floraison, et l'on pourrait dire qu'il est réfuté par celle-ci, de la même façon que le fruit dénonce la floraison comme fausse existence de la plante, et vient s'installer, au titre de la vérité de celle-ci, à la place de la fleur. Ces formes ne font pas que se distinguer les unes des autres : elles se refoulent aussi comme mutuellement incompatibles.
Mais, dans le même temps, leur nature fluide en fait aussi des moments de l'unité organique au sein de laquelle non seulement elles ne s'affrontent pas, mais où l'une est aussi nécessaire que l'autre, et c'est cette même nécessité qui constitue seulement alors la vie du tout.