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Critique de Choupaille


Sur l'orbite terrestre où on l'a envoyé, l'équipage du Soleil parachève les modifications nécessaires au colossal engin spatial pour voguer dans l'immensité de la Sphère. Martin Caron fait partie de l'élite procédant aux derniers ajustements, mais la pression de l'isolement se fait sentir et lui vaut d'être consigné dans l'enfer des soutes. Sur Terre, Louis XIV poursuit sa politique de conquête avec l'aide de son frère. C'en est trop pour le Saint-Empire Germanique voisin qui, avec l'appui papal, entreprend de s'opposer à la puissance de feu effluvique française. Jeanne et Pierre emboîtent le pas à l'armée contestataire dans l'espoir de témoigner de la chute de Louis et de mettre fin à leur exil. Car à Paris, Marie et Estienne demeurent. L'ancienne courtisane du roi vit aujourd'hui dans la misère avec sa fille Jeannette qu'elle peine à nourrir, et Estienne croupit dans les geôles de la Bastille, dévasté par la mort de Petit Pierre lors de l'attentat de l'Arsenal. L'Histoire emporte une fois de plus les Carons dans sa trame, mais quelle issue pour cette famille ... et pour l'Europe à jamais transfigurée par les avancées françaises prodigieuses ?

L'Europe, la France : parlons-en ! ... et d'autant plus en priorité qu'ici j'ai généralement coutume de causer du positif d'abord. Ce troisième tome, c'est l'occasion pour Johan Héliot de faire un grand bond dans le temps : pas loin de dix ans se sont écoulés depuis les évènements de L'envol du Soleil, et si la France d'alors avait déjà été sacrément secouée par les découvertes effluviques de feu Blaise Pascal, c'est rien en comparaison du quotidien des Français en ce début de tome. Bien qu'on leur donne d'autres noms, les postes de radio et de télévision sont monnaie courante et servent à la populace une propagande savamment étudiée : la Sphère recèle des montagnes de richesses dont il faut être les premiers à s'emparer (surtout sur Mars, paraît-il), et la Couronne remercie chacun d'endurer les privations nécessaires à la réalisation de ce grand projet national. Car les Français ont faim et se font littéralement écraser par l'impôt principalement employé à deux fins : d'une l'affrètement du Soleil, et de deux l'entretient des armées royales en pleine conquête (visant elle-même, on insiste là dessus, à récolter de la thune sur les dos des peuples conquis). Difficile dans ce contexte pour ceux qui crèvent la misère de lever les yeux vers les étoiles pour trouver quelque réconfort - parce que c'est justement par là que l'argent du royaume s'envole. Bref en dépit des avancées qui ont de la gueule et qui relookent entièrement le seizième siècle (les voitures, la radio, la télé et les armes de destruction de masse), le peuple est toujours le grand perdant ...

... et la couronne la grande gagnante. Sauf que derrière la couronne de ce brave Louis XIV, on trouve une entité extra-terrestre qui ne fait plus qu'un avec le souverain. Elle s'est échouée sur Terre suite à une attaque ennemie surprise (qui, quoi, comment : il y aura des réponses dans ce tome, promis) et manipule l'homme le plus puissant du monde pour regagner son vaisseau. Ses plans aboutissent enfin puisque le Soleil est bientôt fin prêt à partir pour Mars, alors qu'à des kilomètres par en bas, l'Europe prend un virage aussi serré que la France. Les nations qui ont refusé de se soumettre à Louis sont décimées et agglomérées en un Royaume toujours plus vaste qui fait des jaloux. le Pape poursuit donc ses manigances et envoie donc le Saint-Empire à la rescousse, et l'Europe devient un gigantesque champ de bataille alors que l'heure de la première guerre mondiale n'a même pas encore sonné. Sans m'étaler plus que nécessaire, vous aurez compris que dans Grand Siècle, la France et l'Europe ont droit à un super lifting uchronique et ça en jette ! le monde est très réussi (et surtout, quelle originalité !) et je ne vous cache pas que c'est pour ça que je me suis obstinée à connaître le fin mot de l'histoire - quoique la fin soit relativement ouverte, ce qui ne me gêne pas particulièrement.

Le positif, c'est fait. On peut donc s'attaquer à ce qui a (encore) gâché pour moi le plaisir de renouer avec cet univers : la fratrie Caron. Trois frères et deux soeurs remontés sur Paris au tome un, et disséminés dans ce tome à gauche à droite. Ils sont à quelques exceptions près le prisme à travers lequel on vit toute l'histoire ... et quel ennui ! Contrairement aux deux premiers volumes, ici on peut passer sans trop rechigner sur le fait que chacun occupe une position super influente (ce qui selon moi manquait vachement de crédibilité) : la plupart ont ici été démis de leurs fonctions où ont dû quitter la ville pour leur salut. Mon problème avec eux dans ce tome, c'est l'instance de Johan Héliot pour nous faire prendre les pauvrets en pitié quand l'entièreté du peuple s'en prend plein la face, et pas seulement eux. On insiste à de très nombreuses reprises sur la pseudo malédiction qui leur pourrit la vie, alors qu'une ou deux décisions judicieuses de leur part auraient réglé pas mal de problèmes. En quelques mots on peut résumer ça comme ça : trop de lamentations autour de personnages pour lesquels j'ai jamais réussi à développer la moindre affinité.

Pour aller plus loin, je pense que la raison de ce gros manque d'empathie vient de la narration du récit ... et pas de mon insensibilité naturelle (même si j'avoue que ça a dû jouer un peu, okay). Elle est hyper froide et instaure une très grande distance avec les personnages, c'est pas nouveau comparé aux tomes qui précèdent, mais je rêvais d'un changement alors je suis pas trop contente. La façon dont Grand Siècle est écrit (avec notamment un forfait virgules impressionnant) m'a plutôt donné l'impression de lire une succession de faits. « Marie fait ci, Estienne fait ça ; Jeanne dit ceci, Pierre dit cela » c'est bien, mais jamais on ne m'a fait sauter la distance pour atterrir dans les bottes des protagonistes et vivre Grand Siècle avec un minium d'émotion. Les trop nombreuses ellipses sans aucun repère temporel pour s'y retrouver rendent la chose encore plus difficile : il m'a semblé qu'on me trimballait sans trop d'égards d'un évènement clé à un autre, alors que j'aurais justement apprécié que l'auteur prenne son temps pour me laisser faire copains-copains avec les Carons. En gros selon moi, on peut dire que la saga manque globalement de vie. Les trois volumes souffrent de ce problème, et je vous avoue que les autres romans uchroniques de Johan Héliot m'attirent bien moins maintenant que je sais que c'est ainsi que le bougre écrit.

Je suis toutefois satisfaite d'être allée au bout, et malgré tout ce que j'ai pu en dire (le bon comme le mauvais) j'ai bien l'intention de garder cette saga dans un coin de ma (future) bibliothèque - actuellement tout est toujours sous cartons, la misère quoi. Je vous laisse le soin de débattre avec vous-même et de décider si Grand Siècle vaut la peine d'alléger votre porte-monnaie.
Lien : https://la-choupaille-lit.bl..
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