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Critique de Clelie22


Il y a les classiques qu'on est contents d'avoir lus parce qu'on a passé un bon moment et qu'on les a appréciés. Il y a les classiques qu'on est contents d'avoir lus parce qu'on a l'impression que ça manquait à notre culture. Et il y a les classiques qu'on est juste contents d'avoir terminés. Pour qui sonne le glas a été ce genre de classique pour moi.

Mais commençons par résumer l'histoire. Je ne ferai pas comme l'auteur anonyme de la préface qui m'a divulgâché toute l'intrigue d'une manière totalement gratuite (Note : ne plus jamais lire les préfaces !!!).

L'histoire : Robert Jordan, jeune professeur américain, a rejoint les rangs républicains lorsque la guerre civile espagnole a éclaté. Devenu spécialiste du dynamitage, il s'associe à un groupe de guérilleros avec lesquels il doit faire sauter un pont. Il fait la connaissance de Pablo, chef de bande désabusé qui ne lui inspire pas confiance, de Pilar, sa femme, énergique et solide, véritable âme de la bande, et de Maria, jeune fille recueillie par le groupe après être passée par les plus terribles épreuves. Au fil des jours passés au milieu de cette bande hétéroclite, Robert Jordan sent que l'affaire ne se présente pas bien : l'idée de la mort devient plus difficile à supporter lorsqu'on risque d'y entraîner ceux auxquels on tient.

Le premier reproche que je ferai à ce roman, c'est qu'il est long. Très long. Trop long. C'est ce qui m'a le plus pesé pendant cette lecture. J'avais l'impression de ne pas en voir le bout et que ça n'en finissait pas. Si ce n'avait pas été pour le challenge solidaire, j'aurais laissé tomber au tiers, si ce n'est avant. L'action n'est pas trépidante et, même les moments où il se passe (enfin) quelque chose, sont tellement dilués qu'on n'a pas le temps de sentir son petit coeur battre d'émotion. Je veux bien entendre que Pour qui sonne le glas est plus un roman psychologique qu'un thriller mais cela ne me console pas beaucoup du profond ennui que j'ai ressenti à le lire. Il y a les livres où on se dit : "juste un dernier chapitre et j'éteins" et ceux où on se dit : "allez... encore un chapitre... (soupir)".
En dehors du fait qu'elle manque de rythme, l'histoire manque également, à mon goût, d'intérêt (surtout avec une préface qui divulgâche déjà tout ! Scrogneugneu !). L'histoire entre Robert et Maria devrait être belle et incandescente. Elle est juste niaise, irréaliste et presque horripilante. Pour dire, les moments où ils parlaient ensemble de leur amour étaient presque ceux qui m'ennuyaient le plus (et pourtant, Dieu sait que je suis une sentimentale !).
Le point de vue qu'Hemingway développe sur la guerre d'Espagne, l'Espagne elle-même et les Espagnols est assez troublant. Déjà, si vous n'avez que pas ou peu de connaissances sur le déroulement de cette guerre, ce n'est pas Pour qui sonne le glas qui fera votre éducation. Il m'a semblé, à ma grande surprise, qu'Hemingway portait finalement un regard très critique sur cette guerre d'Espagne, alors qu'il a passé des années là-bas en tant que correspondant de guerre. On sait peu de choses de ce que les fascistes ont commis mais Hemingway ne cache rien de la barbarie des partisans de la République, de leurs défauts (la lâcheté, la bêtise, la bureaucratie...). Son regard sur les Espagnols en général n'est pas plus sympathique. Je me suis demandée dans quelle mesure il ne portait pas sur eux ce regard un peu méprisant de l'Américain qui considère de haut les peuples du vieux continent, forcément arriérés et décadents. de même, Maria n'est pas exactement le genre de femme auquel on a envie de ressembler : soumise, un peu niaise, aussi bêtement dévouée et aimante qu'un chien. Elle est totalement invraisemblable (la fille multi-violée qui se glisse dans le sac de couchage d'un inconnu dès la première nuit ?... Mouais ?) Pilar n'est pas davantage un modèle auquel on aurait envie de ressembler. Raciste et sexiste, Hemingway ? Je me suis posée la question.
Côté style, Hemingway avait un sens certain de la formule, ce qui explique le nombre de citations qu'il génère sur Babelio (relever des citations, ça occupe, au moins !). En dehors de cela, son style m'a paru âpre, aride. Je me suis demandée s'il passait bien la traduction. Les répétitions, par exemple, beaucoup mieux tolérées en anglais, alourdissent en français. La pauvreté des incises ("dit-il"), également tolérée en anglais ne rend pas terrible en français. L'histoire repose sur de nombreux dialogues composés de répliques très courtes, ce qui explique que le livre se lit malgré tout un peu plus vite que ne pourrait le laisser craindre son épaisseur. Les personnages parlent énormément. Entre eux et même tous seuls ! Ils parlent, parlent, parlent, s'insultent. Car, oui, Pour qui sonne le glas est aussi un texte très grossier. Je sais bien qu'on n'est pas dans les salons de Jane Austen et qu'il n'y a "pas de langue plus ordurière que l'espagnole", mais ça n'empêche pas de le ressentir comme une agression, à la longue.
Enfin, bien sûr, le roman se termine avec une fin en queue de poisson mais, à ce stade-là, j'étais juste heureuse et infiniment soulagée d'arriver au point final.

En bref : En s'inspirant de son expérience de la guerre d'Espagne, Hemingway dit en presque 500 interminables pages ce qu'il résume finalement très bien page 497 : "Mourir, c'est moche". Pour qui sonne le glas est sûrement un roman très intéressant à étudier mais, comme lecture d'été, j'ai connu plus léger.

Challenge solidaire "Des classiques contre l'illettrisme" 2020
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