La guerre, l'amour, la mort.
Robert Jordan, américain, est un volontaire engagé dans les brigades Internationales qui se battent pour la république et contre les franquistes, en '36. Professeur d'espagnol dans une université américaine, il aime l'Espagne, sa culture, ses peuples. Il ne se bat donc pas pour un projet politique, marxiste ou autre, il se bat pour un peuple et contre les fascistes. Il opère en solo, effectuant des missions de sabotage derrière les lignes franquistes, se faisant aider par des résistants s'il en trouve. Maintenant, il doit faire sauter un pont, pour empêcher des renforts franquistes de faire échouer une offensive républicaine. Un année d'opérations commando l'ont rendu assez cynique quant aux politiciens et miltaires républicains, mais il reste totalement dévoué à sa cause.
Les partisans, quant à eux, sont de petits groupes hétéroclites. Non formés militairement ou politiquement, utilisant tant bien que mal les armes qu'ils ont pu “récupérer”, sans contacts avec les républicains de l'autre coté des lignes mouvantes, ils opèrent des coups de mains de leur propre initiative et végètent entre deux opportunités. Certains sont démotivés, beaucoup pensent surtout au prochain repas. Mais il y a beaucoup de courage, aussi, et surtout la haine des franquistes.
Au milieu de tout cela, Robert, muni de ses deux sacs de TNT et d'un pistolet, doit monter son opération, recruter des aides pour neutraliser des postes de garde... Et, bien sûr, faire face à l'imprévu et au hasard. L'imprévu, c'est l'amour qui prend les traits de Maria, jeune femme blessée par les brutes franquistes, et le hasard, c'est ce qui arrive aux meilleurs plans en temps de guerre : ils ne survivent pas au contact avec l'ennemi. Des intrigues secondaires voient des lâches se ressaisir, et des hommes intègres mourir pour la cause. Une cause à laquelle, souvent, ils ne comprennent pas grand'chose, ni du côté républicain, ni chez les fascistes . Au-dessus de tout cela plane le sort, antique et aveugle divinité qui écrase sans juger.
Hemingway était cet homme étrange, qui, enfant, avait été vétu en petite fille par sa mère ( elle voulait une soeur pour sa fille), et qui partait deux mois par an en vacances avec son médecin de père. Vacances de chasse et de pêche, où il était habillé en garçon. Père sévère qui corrigeait son fils au martinet. Pouvait-on s'attendre à ce que cela produise un citoyen au caractère stable, bien integré …? Pendant la première guerre mondiale, il s'engage volontairement, est refusé pour des missions de combat à cause d'une vue déficiente, devient ambulancier. Mais il ne se passe pas grand'chose de son côté du front, et il s'ennuie à mourir. Un jour, pourtant, où il distribue des rations de biscuits et de chocolats, il est blessé par un éclat d'obus. Rapatrié, Il ne manque pas de se faire passer pour un héros militaire ... Suit une période où il se cherche, et il décide d'écrire. Comme journaliste. Comme romancier. le succès venant, il alterne des rôles d'écrivain, de correspondant de guerre ( en Espagne et pendant la seconde guerre mondiale), de chasseur de gros gibier et de pêcheur sportif. de gros buveur et de séducteurà l'échelle quasi industrielle, aussi, Un peu comme Robert, il apprend à cumuler, à gérer ces divers compartiments d'une existence d'écrivain flambeur et macho. Peut-être sa passion pour la tauromachie résume t-elle au mieux le personnage : songez au toréro, à quelques mètres du taureau, l'épée en main, l'un guettant l'autre : qui portera l'estocade finale ? Regarder la mort en face, défier le sort, vivre tant que l'on se sent fort et sûr de soi, vivre en tuant la mort qui revient sans cesse à l'assaut ... Et quand l'on ne peut plus soutenir le regard de la bête, se tuer, pour ne pas lui laisser le dernier mot.
J'ai un peu aimé ce roman, mais sans grand enthousiasme. le style, d'un dénûment extrême – voulu et recherché par l'auteur – me fait penser au cliquetis mécanique d'une machine à écrire. Tictictic point. Tictictactic point. C'est ainsi que l'on écrit ses listes de courses. Pour les admirateurs
De Balzac, de
Giono, de Jean d'Ormesson, il n'y a ici que pauvreté stylistique et froideur clinique. le personnage de Jordan, ou celui d'
Hemingway, ne m'est pas très sympathique. le guerrier sublime mais fatigué, qu'on lui tienne la main... c'est usé jusqu'à la corde.Je trouve d'ailleurs qu'il faut être con – et très courageux – pour tuer un taureau, même gravement blessé, à l'épée. J'ai rédigé ce billet avec un détachement qui ne m'est pas accoutumé. C'est que le roman ne m'a pas engagé. On le lit. On se dit : effectivement ca ferait un bon film ! Et on le pose, soulagé, On peut passer à autre chose.