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Critique de si-bemol


[Lu dans le cadre d'une Masse critique Privilège]

Adapter un roman en BD est toujours, pour le scénariste comme pour l'illustrateur, une entreprise délicate. Dans le cas de la Horde du Contrevent, chef-d'oeuvre absolu (au moins pour moi) de la littérature, le travail d'adaptation relève ici du défi, tant l'imaginaire d'Alain Damasio est complexe, les personnages nombreux, la pensée riche, subtile et profonde.

Comment rendre justice à ces 23 personnages qui sont autant de narrateurs, à cette quête qui semble sans fin, à la fois démesurée et dérisoire, à cette horde soudée par le courage, l'effort, l'honneur et le sens du devoir, à cet univers à l'aridité vertigineuse… et à ce vent (ces vents) surtout, entité protéiforme, impitoyable et impétueuse, dénudant jusqu'à l'os, jusqu'à la racine de l'âme et jusque dans ses vérités les plus intimes, la horde et ses hordiers ?

Adoubé dans cette folle entreprise par Damasio lui-même, Eric Henninot poursuit l'aventure et accompagne le Contre aux côtés de la 34e horde, après un premier volume remarquable où il avait déjà su naviguer avec brio et vent debout au gré des choons, des vortex, des slaminos et autres furvents. Dans ce deuxième tome, la quête, pour quelques jours, fait relâche et les hordiers, accueillis par un vaisseau fréole, font escale pour un temps de repos bien mérité. Repos ? Pas si sûr ! Car tout le monde n'est pas forcément ce qu'il prétend être, tandis que les intrigues, les rumeurs, les complots et les menaces vont venir, très vite, compromettre la sérénité du séjour…

Que dire du travail d'Eric Henninot ? On peut, bien entendu, regretter que les voix multiples des 23 narrateurs soient ici réduites au seul discours de Sov le Scribe… mais le choix est judicieux, et comment faire autrement, eu égard aux contraintes du format de la bande dessinée ? On peut également regretter (et c'est un peu mon cas) les libertés prises avec le scénario original, et surtout que le texte de Damasio, l'inventivité extrême de l'écriture et la réflexion philosophique qui sous-tend le propos ne trouvent pas tout à fait leur compte dans cette adaptation.

Mais il est vrai aussi que Eric Henninot a su user avec intelligence de la totale liberté que Damasio lui avait accordée de s'approprier l'oeuvre à sa guise. La construction du scénario est habile et le récit très fluide, superbement mis en valeur par un dessin impressionnant de réalisme, de puissance et de précision, notamment dans les détails. Au total, et particulièrement si l'on accepte de considérer que cette bande dessinée n'est pas tant une adaptation qu'une oeuvre à part entière, complémentaire de la Horde de Damasio, Eric Henninot nous offre ici un voyage au long cours passionnant et d'une grande beauté, et un second volume qui ne dément pas les promesses du premier.

Un grand merci à Babelio et aux éditions Delcourt pour l'envoi de cette très belle bande dessinée, dont il me tarde de découvrir la suite, et pour cet excellent moment de lecture.
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