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A Alep, une des plus anciennes villes habitées au monde, sont parvenus les échos des révoltes de Tunis où Mohamed Bouazizi avait craqué une allumette puis d'Egypte où le président avait été dégagé. Succédant à son père, Bachar Al-Assad apportait l'espoir d'un changement car c'est un médecin ophtalmologue, a priori concerné par la santé. Puis la qaoumiyé, cette matière scolaire consistant à vénérer la splendeur de la dynastie Assad, a été mise en place. Sur le mur d'une école de jeunes adolescents ont alors écrit : "ça va être ton tour docteur", en référence au dégagisme.

Cécile Hennion a recueilli 19 témoignages rangés en 9 chapitres. Les propos de chacun progressent historiquement de mai 2011 à décembre2016. On suivra ainsi la montée en charge de la révolte à partir des soulèvements de Deraa où "la queue devant les boulangeries annonce toujours les révolutions populaires" puis l'avancée des manifestations où "l'innocent pouvait être envoyé de l'autre côté du soleil". L'armée libre structurera sa lutte contre le système "pourri jusqu'au trognon". Au final, les hôpitaux seront visés par un médecin au pouvoir, les missiles syriens et russes anéantiront alors les velléités de liberté des Alépins, contraignant tous les témoins du livre à l'exil.

Les bombes-barils, les snipers et les missiles étaient les principales menaces avec les Chabihas (groupe d'hommes armés qui agissent en faveur du gouvernement) puis Nosra et Daech. Les réseaux sociaux diffusaient les photos des exactions commises par l'armée du régime mais la création d'une page Facebook pouvait valoir d'être torturé.

La construction du livre est originale, au lieu de raconter de bout en bout chaque histoire de vie, la journaliste choisit de les exposer parallèlement, invitant chacun à se raconter par épisodes intercalés. Nous pouvons aussi relire le livre selon les interlocuteurs successifs qui sont répertoriés en table des matières.

Les récits construisent sans pathos (cf. citation) un livre mosaïque unique avec Alep au coeur des propos, forts comme l'attachement des témoins à leur ville. C'est peu dire que nous sommes touchés par le fil de leurs vies brisées pour que leurs rêves ne le soient pas.
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Un grand merci à Babelio et aux éditions Points pour l'envoi de ce livre, et merci aussi surtout à Cécile Hennion pour être allé recueillir ces témoignages et en avoir fait un livre.
Le fil de nos vies brisées est un magnifique recueil sur les vies de seize habitants d'Alep, des débuts de la révolution lors du printemps arabe en 2011 jusqu'à leur exil qui dure encore aujourd'hui. Ces récits sont terribles et magnifiques - emprunts de pudeur sans masquer l'essentiel des abominations subies par les familles d'Alep, ils regorgent également de solidarité et d'entraide dans un contexte abominable. L'autrice n'hésite pas à rapporter sa propre expérience de la guerre en Syrie et des hôpitaux libanais, mêlant ainsi son point de vue de journaliste au même titre que celui de ce photographe d'Alep ou cet étudiant, ou cette infirmière, jeunes révolutionnaires bien trop rapidemet embarqués dans un confit qui dépasse l'entendement humain.
Le contenu du Fil de nos vies brisées est à la fois nécessaire, sensible et précis sans tomber dans le pathos. Les talents de journaliste de Cécile Hennion sont heureusement complété par un style littéraire qui apporte beaucoup de vie et d'émotions à l'ensemble.
La construction du livre est également remarquable : les récits de chaque personnage sont découpés en fonction des différentes étapes de la guerre, ce qui permet de lire l'évolution des faits de manière chronologique et de suivre le point de vue de chacun sur un même type d'événement (l'espoir en apprenant les nouvelles sur le printemps arable, l'organisation des premières manifestations, les premiers débordements de l'armée, les combats, les massacres, la prison et les tortures, la vie quotidienne qui continue malgré tout avec son lot de deuils, mais aussi de naissances et de mariages, les soins apportés aux blessés de guerre tout autant qu'aux femmes qui accouchent, la démolition de la ville, le départ pour l'exil).
Ce livre est hautement recommandable et ouvre à une véritable empathie envers ceux qui, comme nous un jour, ont simplement voulu dire stop à leur gouvernement.
Pour ceux qui ont déjà lu et aimé ce livre, je conseille sur le même sujet le promeneur d'Alep de Niroz Malek plus proche de la poésie que du journalisme et tout aussi réaliste et émouvant.
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Tout d'abord je tiens a remercier babelio et les éditions points pour cette découverte reçue lors de la masse critique non fiction de février.
Ce n'est pas mon genre de lecture habituelle, mais comme le sujet m'interpellait je me suis laissée tenter et grand bien m'en a pris.
Et pourtant je ressors de cette lecture émue et en colère.
Durant tout le livre, on découvre les témoignages de jeunes syriens d'Alep, qui galvanisés par les printemps arabes et brimés par un régime qui les empêche de penser et vivre librement.
Ils décident donc d'entamer une révolution pacifiste, faite principalement de manifestations afin de faire entendre leurs voix. Et la répression sera terrible, en nombre de morts, de déportés, de disparus dans les geôles du régimes, et de destruction d'une ville multimillénaire.
A l'heure où l'actualité nous rappelle l'indifférence de l'Europe ou encore le rejet de ces réfugiés lors de l'ouverture de la frontière turque, de ces familles entières parquées dans des camps misérables, cette lecture me semble nécessaire à réveiller nos consciences de pays priviliégés où l'on peut dire ce que l'on pense sans risquer sa vie ou celle de sa famille !
Ces récits me rappellent ceux des déportés de la deuxième guerre mondiale, et si il ne faut pas oublier le passé, il serait peut-être temps d'agir face à ce qui se passe à nos frontières.
Une lecture à faire circuler afin d'ouvrir les consciences !
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Le fil de nos vies briséesCécile Hennion

Coup de coeur de l'année.
Cécile Hennion est journaliste pour le Monde, et spécialiste des conflits au Moyen-Orient. Ce livre est un recueil de témoignages des habitants d'Alep, une des dernières villes de Syrie à avoir rejoint le « printemps arabe ». Elle donne la parole à des habitants d'Alep-Est, partie non contrôlée par le régime d'Assad. Traditionnellement plus pauvres et rejetés, les habitants d'Alep-Est ont enduré ce régime encore plus douloureusement que les autres. Bachar al Assad ne s'est d'ailleurs pas privé de tous les considérer comme des rebelles, afin d'anéantir cette partie de la ville à l'aide de l'aviation russe.
Les témoignages recueillis couvrent la période suivante : mai 2011 (le début et des manifestations pacifiques) jusqu'en décembre 2016 ('évacuation des habitants d'Alep-Est). Les différentes parties de ce recueil donnent une vision très claire de l'évolution du conflit. Les témoins sont des étudiants, des hommes et des femmes dans la force de l'âge, des infirmières, des soldats de l'armée libre, des femmes de soldats… . Ils permettent de comprendre comment le régime a su anéantir toute forme de liberté, toute forme de raisonnement et toute forme de vie.
Impossible de rester insensible à ce recueil. Impossible également de ne pas y voir clair dans ce conflit. Impossible d'en admettre l'aboutissement.
Ce livre est essentiel pour tous ceux qui ont tenté de suivre le conflit dans les médias, quand le JT consacrait ses deux dernières minutes à des milliers et des milliers de morts…ou encore tous ceux qui croyaient encore à la bonté d'Assad…
Je salue le courage de Cécile Hennion ; ses propres témoignages sont le reflet de sa vision du monde. Je salue le courage de tous ceux qui ont manifesté pacifiquement, tous ceux qui sont restés à Alep pour sauver des vies ou tout simplement pour tenter de survivre, tous ceux qui ne pouvaient plus en sortir, tous ceux qui sont parvenus à franchir les frontières.
Et évidemment, je pense à tous ceux restés sous les décombres, tous ceux qui sont aujourd'hui en exil, dont certains disent qu'ils feraient mieux de combattre pour leur pays…
A ces derniers, je n'ai pas de mots pour contrer leur bêtise.

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J'ai d'abord envie de dire que ce livre témoignage(s) est ou devrait être un incontournable pour celles et ceux qui ignorent, méconnaissent ou croient connaître ce que fut et ce que continue d'être "l'impensable" tragédie syrienne… avec ses racines, son déclenchement, son déroulement, son dévoiement, ses conséquences.
Cécile Hennion a écrit un livre choral dans lequel elle donne la parole à 19 témoins.
19 jeunes hommes et femmes d'Alep, ville et personnage central de l'ouvrage… avec ces hommes et ces femmes - leur enfance, leur jeunesse, leurs études, leurs amours, leurs rêves, leur engagement - les uns n'étant pas dissociables de l'Autre.
Alep, cité pluri millénaire, un joyau, un berceau du patrimoine de l'humanité… aujourd'hui rasée ou réduite à l'état de ruines, d'immense cimetière à ciel ouvert que meurtrirent cruellement, indistinctement, de 2011 à 2016, d'abord les bombes-barils du Régime ( celui de Bachar-Al-Assad) et la mitraille de leurs hélicoptères, puis les Mig russes et leurs missiles… jusqu'au siège final.
Tout avait "bien" commencé pourtant…. pacifiquement comme le racontent avec beaucoup d'émotion(s) et sans pathos les 19 Alépins (au passage, les témoignages ont été l'objet d'un minutieux travail de vérification(s) ) dont les récits concordants, qui se font écho, tissent une mosaïque née dans la foulée des Printemps Arabes pour se terminer cinq ans plus tard dans leur ville martyrisée et assiégée. Tout avait commencé pacifiquement...jusqu'à ce que...
Laissons leur la parole.
" Nous avons longtemps espéré un soutien extérieur pour faire le poids. La France fut le premier pays, avant même les Etats-Unis, à proposer de soutenir l'Armée Libre. Quelle déception… Leur aide, c'était du vent dans les branches ! Il nous fallut donc accepter l'aide de Nosra pour libérer Alep. Dommage. Nous n'avions pourtant pas besoin de grand-chose. Juste de l'antiaérien : deux Mistral ( lance-missiles sol-air à courte portée, aisément transportables et très maniables. Se pose sur l'épaule ou sur un trépied. Même sans entraînement, un tireur peut réussir son coup) nous auraient suffi pour dézinguer les deux bombardiers du Régime qui bourdonnaient au-dessus d'Alep. Deux putain de Mistral et c'était fini ! On l'aurait emporté."
Au lieu de cela, vous connaissez ou devez connaître la suite : les shabihas, l'Etat Islamique, les Russes… une population coupée en deux : l'Est et l'Ouest. Alep Est, bombardée sans relâche, affamée, décimée, assiégée.. vaincue… condamnée à l'exil… les camps de réfugiés, Idlib, la Turquie ou l'Europe.
500 pages "magnifiques" et bouleversantes, au plus près de la pire atrocité du XXIème siècle, vous font vivre les dernières années d'une ville sacrifiée sur l'autel de la lâcheté et des intérêts des puissants. Un abyssal gâchis humain, une défaite pour ceux qui croient en l'homme.
"Le fils de Hafez Al-Assad a assené une leçon terrible aux générations qui nous succèderont là-bas, dans la ville détruite. Elles verront les images du pasé, puisque moi et les autres avons collecté des milliers de preuves irréfutables de l'anéantissement de notre cité et de nos vies. Ces nouvelles générations grandiront dans le souvenir horrifié de notre absolue défaite, des carnages dans les ruelles. Ils se forgeront cette mentalité désespérée et supplieront leur dictateur : " Loin de nous la liberté ! Nous voulons juste rester vivants ! "
Un libre bouleversant… indispensable !
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Le fil de nos vies brisées fait partie de ces ouvrages qui vous font reconsidérer vos opinions (géo)politiques.

Au moment de la crise syrienne, j'étais défavorable à une intervention militaire. J'avais en tête l'expérience libyenne... Ce livre m'a fait changer de perspective.

Grâce aux témoignages variés des populations d'Alep, on comprend la férocité du régime de Bachar et, ce qui m'a le plus perturbé, le complotisme de ses hommes de main. On assiste ainsi à la torture des manifestants "rebels" accusés d'être financés par les pays occidentaux. Comme si il fallait forcément être corrompu pour critiquer les hommes politiques de son pays. Ces témoignages glaçants nous font vivre l'enfer d'être né dans une dictature.

On ne peut qu'être ému par le sort des courageux civils d'Alep à qui il aurait manqué peu d'équipement (des armes anti-aériennes) pour mettre en échec les forces contre révolutionnaires et sanguinaires de Bachar. Très touchante est aussi l'impuissance de ces héros face à la montée en puissance de l'Etat Islamique. On se dit qu'en vidant les prisons de djihadistes pour éviter une intervention occidentale, Bachar a réussi son terrible coup de poker politique.

J'aurai juste aimé lire, en parallèle de ces histoires, un compte rendu abrégé des débats officiels des députés britanniques et des ministres américains qui ont hésité à aider les rebelles syriens (la France était d'ailleurs prête à intervenir). Cela aurait rendu le récit encore plus poignant et accentué la responsabilité (par inaction) des gouvernements occidentaux dans ce carnage.
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