«
Nos plus belles années » de
Clara Héraut est un livre d'utilité publique. Il faudrait le savoir au chaud dans les antres où gravitent la jeunesse.
Sociétal, psychologique, sociologique, engagé, son enjeu est crucial et précieux. On ne sort pas indemne d'une telle lecture tant l'évènementiel est une question d'urgence citoyenne, et politique. Il lève le voile sur les diktats d'une société où la victime est souvent en manque de soutien et jugée par les autres immanquablement. Et si et si…
L'histoire est à deux voix. Celles de deux amies d'enfance, Ambre et Jade. Au coeur d'une trame vivement contemporaine, à portée de jeunes adultes (mais pas que, surtout pas que), des textos élèvent le récit au temps présent, à la minute même. le récit se déroule sur quelques mois de de septembre à novembre. Ambre et Jade emménagent ensemble à Lille dans un appartement. Une première colocation dont elles ne maîtrisent pas les codes encore. Elles sont liées, fusionnelles et complices. Les études universitaires, lianes et découvertes. le début d'une émancipation heureuse. Elles sont l'une pour l'autre et l'autre pour l'une toujours. Un même collier de perles qui sera fracassé sur le sol et pour cause. Avec leurs blessures, Jade dont la maman est partie lorsqu'elle avait six ans, son père avocat, brillant mais quelque peu absent. Ambre, plus sereine, sa famille plus présente.
L'amitié comme la marée-basse, constante, même si les aléas font qu'elles vont s'éloigner. Coucou les garçons ! Les confidences ne seront plus innées. Un garçon rencontré sur les parvis de l'école, Léo, aux yeux bleus magnifiques. Toutes les deux sont attirés par son aura. Mais il aurait fallu apprendre l'adage de
Prosper Mérimée « Apprendre à toujours se méfier ». le loup est dans la bergerie.
Dans ce récit percutant et superbement éclairant, il y aura un viol. (Je ne dis pas laquelle). C'est une victime, une universelle victime, l'emblème de toutes ces femmes détruites dans leur chair.
Le silence de plomb, et les blessures enfouies feront vaciller l'équilibre de leur entente. Jusqu'au jour où la petite victime aux ailes brisées fera vaciller son écorce. «
Nos plus belles années » pointe du doigt là où ça fait mal. le déni sociétal et l'enjeu de bâtir un livre blanc pour enfin que les jeunes (tous) et pas que comprennent que l'on ne touche pas mais pas à une femme qui ne dit pas non ni oui. le combat vif pour défendre la parole d'une jeune fille violée. La honte et la rage qui font trembler la moindre parcelle de sa peau. Les pages finales sont à déposer au fronton d'une justice. On pleure tant ces pages sont poignantes et si réelles. Tout est dit dans le plaidoyer final. Insoutenable parce que la société ne répond que mal face à ces drames. « On me demande si j'ai dit non, jamais si j'ai dit oui ou pourquoi je j'ai fait ». « Il s'appelle … il a vingt ans, je suis une fille de son école et il m'a violée ».
Prenez soin de la note et ressources de
Clara Héraut en fin de livre. Autrice de la parole, fulgurante dans la force et l'urgence des dires. Publié par les Éditions Hachette.
À noter : il aurait peut-être été judicieux que la première de couverture soit moins féminine. Malgré sa grande douceur et la beauté des couleurs, d'emblée on imagine un livre pour les filles. Même si les garçons aiment le rose et peuvent porter du rose et lire un livre dont la couverture est habillée de rose. Que ce livre soit partager, offert à tous et toutes. Il devrait être lu en classe pour faire bousculer les idiosyncrasies et les faux-semblants. Un très bon livre émouvant.