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Critique de YvesParis


Spécialiste de l'histoire de la démocratie et du populisme, le professeur Guy Hermet prédit l'épuisement de l'État providence et l'avènement d'un nouvel ordre politique. Dénonçant l'aveuglement de la mairie de Paris qui fêtait en 2006 le « printemps de la démocratie » comme nos ancêtres de 1788 qui n'avaient pas su prévoir la Révolution imminente, l'ancien directeur du CERI soutient que nous sommes entrés dans « l'hiver de la démocratie ».
La thèse est d'autant plus paradoxale que la démocratie s'est affirmée, depuis la chute du communisme, comme le seul mode souhaitable de gouvernement auquel aucune alternative n'est sérieusement opposée. D'ailleurs la quasi-totalité des États de la planète sont devenus démocratiques ou plutôt ont fait mine de le devenir à grand renfort d'élections pluripartistes dûment « monitorées » par la communauté internationale. Mais cette extension de la démocratie ne doit pas nous leurrer, nous dit Guy Hermet : les nouvelles démocraties sont, comme l'avait démontré Fareed Zakaria, plus formelles que réelles. Et on se trompe en voulant acculturer en l'espace d'une décennie un mode de gouvernement que les vieilles démocraties occidentales ont mis plusieurs siècles à réaliser.

Mais le plus inquiétant n'est pas cet échec de la « démocratie balistique » imposée parfois par les armes à la planète entière. le livre de Guy Hermet s'intéresse avant tout à l'épuisement de la démocratie dans nos propres États. Pour lui, il ne s'agit pas tant d'une crise transitoire que d'une remise en cause fondamentale. La raison en serait double. D'une part sur le plan philosophique, la volonté majoritaire, qui est au coeur de la souveraineté populaire, est remise en cause : par exemple lorsqu'elle promeut des idées politiquement incorrectes (la peine de mort – dont on pourrait toutefois aujourd'hui se demander si elle serait soutenue par une majorité d'électeurs – ou le rejet de la construction européenne) ou lorsqu'elle risque d'amener au pouvoir des extrémistes (le Fatah palestinien ou le Vlaams Belang anversois).

L'autre raison est pratique. L'État providence a progressé à coup de conquêtes sociales et de promesses électorales qui atteignent aujourd'hui leurs limites. « Comment annoncer [...] la semaine de vingt-cinq heures [...] ou prévoir l'extension de l'assurance-maladie aux animaux domestiques » demande ironiquement l'auteur (p. 62). La démocratie sociale étant arrivée au fond du stock de promesses réalisables, les populations n'attendent plus rien d'elle ni pour elles ni pour leurs enfants et sont affectées par cette « congestion du bonheur » qu'évoquait en son temps José Ortega y Gasset.

Quel est ce nouveau régime qui succèdera à l'hiver de la démocratie ? Guy Hermet envisage la combinaison paradoxale de deux éléments. D'une part, une dose accrue de populisme qui ne serait plus l'apanage des « candidats de mauvais genre » mais serait désormais pour les candidats même honorables « propre à servir la bonne cause de la réanimation démocratique à condition d'être bien utilisé » (p. 173). L'auteur voit dans la campagne des trois principaux candidats aux présidentielles françaises de 2007 les germes de ce « semi-populisme contrôlé » (p. 178) : invectives contre la « racaille » par Nicolas Sarkozy, recours démagogue de Ségolène Royal à la « démocratie participative », dénonciation du « complot » des médias et de l'énarchie pour François Bayrou. D'autre part la promotion de la « gouvernance », c'est-à-dire la gestion par un petit nombre d'experts publics et privés cooptés sans légitimité démocratique des affaires publiques.

Ce nouveau régime s'installe progressivement sans convulsion ni révolution. Son instauration n'en sonne pas moins le glas de la démocratie.
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