C'était Carnaval
extrait 6
Originaires de Naples, les Polichinelles formaient à Vérone un genre en soi, et quel genre ! Plongés en bande dans la foule qu'ils fendaient à plaisir, bossus, ventrus, tout de blanc vêtus comme il se doit, chapeau conique en tête, masque blanc et nez crochu, bâfreurs invétérés de gnocchis, fainéants autant que parasites, diseurs de poésie non moins que de propos salaces, faisant la cour aux plus jeunes vierges comme aux vieillardes édentées, improvisant une bacchanale de pur semblant, brocardant par leurs dérèglements l'ordre des choses et la civilité des mœurs, leur apparition me fascina. Jouant du ridicule de leur propre déréliction en provocateurs rompus aux postures les plus incongrues, les libertés qu'ils s'arrogeaient ici étaient à cent lieues de ma Venise policée, confite en traditions, avec pour credo intangible la tranquillité publique et le respect des hiérarchies, à peine écornées à Carnaval.
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C'était Carnaval
extrait 2
Ces Gnoccolare, le fête des gnocchis, commémoraient chaque année une émeute populaire de 1531 contre la famine décimant Vérone à la suite des guerres d'Italie entre François Ier et Charles Quint qui avaient ravagé le pays, et d'une inondation de l'Adige et du Pô qui avait ruiné les récoltes. Pour calmer la turbulence des émeutiers et apaiser la populace, à l'instigation d'un excellent homme, Tommaso de Vico, médecin de son état, on dispensa au peuple du pain, du vin, du beurre, de la farine, des châtaignes et des olives.
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C'était Carnaval
extrait 1
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C'était Carnaval, le premier vendredi d'avant les Cendres. Et Scipione Maffei, mon père et moi assistâmes, mêlés à la population, aux Gnoccolare, une fête burlesque toute en symboles où, à l'encontre de Venise durant les mêmes réjouissances, le peuple s'empare du pouvoir pour une nuit. Mais quelle nuit !
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