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Critique de Marcuyttendaele


Un grand roman américain qui brasse les époques, l'évolution des mentalités, le choc des cultures de l'Amérique profonde et de l'Amérique libérale. Destins croisés d'une mère (Faye) et d'un fils (Samuel). Elle l'a abandonné dans son enfance et a disparu des écrans radars jusqu'à ce qu'elle jette une poignée de gravillons sur un candidat républicain d'extrême droite à l'élection présidentielle et est au coeur d'un scandale construit artificiellement. Samuel va partir à la rencontre de l'histoire de sa mère et plonger dans les émeutes de Chicago de 1968 lors de l'investiture d'Humphrey. Prodigieuse description du télescopage entre deux mondes, celui, libertaire, qui combattait la guerre au Vietnam et celui, conventionnel et étriqué de l'Amérique profonde. Une Amérique qui existe encore et qui explique aujourd'hui l'élection de Trump. Peinture caustique de l'époque moderne où des êtres se perdent à jamais dans un monde virtuel au point de devenir des épaves dans le monde réel. Peinture ricanante du monde universitaire dans lequel certains étudiants viennent à n'importe quel prix chercher un passeport pour l'avenir plutôt qu'une formation, un surcroît de culture et une intelligence travaillée. Peinture désespérée où la création artistique n'est plus qu'une construction artificielle visant à offrir au millimètre près ce que le public attend. Une culture en voie d'extinction car comme tout est préformaté, il n'y a plus ni audace, ne création originale, ni découverte. Et somme toute, sous ses dehors légers, ironiques, Nathan Hill livre du monde moderne une vision très désespérée. Derrière cette peinture du monde, de ses évolutions et de ses dérives, il laisse évoluer ses personnages qui tous se cherchent sans jamais se trouver : le père de Faye qui a quitté la Norvège où règnent les fantômes du vieux pays pour vivre une vie bâtie sur un mensonge qui le tourmentera toujours, le père de Samuel qui vend des plats surgelés et ne comprend rien de ce qui lui arrive, Samuel qui a une vie fondée sur un malentendu premier dont il ignore tout et qui vit un amour virtuel incapable de prendre quand il le faut la voie du risque et de la vraie vie. Faye, enfin, -même, incapable d'aller au bout de ses rêves qui ne se trouvera qu'en fin de voyage après avoir été au bout de la question de ses origines dans le froid polaire du nord de la Norvège. Entre Irving et Jonathan Franzen, un grand écrivain est né. Qualité suprême, il écrit un roman qui fourmille mais qui est un regard sans concession sur le monde. Il pousse finalement jusqu'à sa quintessence la politesse et l'ironie du désespoir. Ressemblant à l'Irving du début, non loin de Jonathan Frantzen, il nous réjouit… Il offre une belle découverte, si loin des produits littéraires surgelés, fabriqués à partir de sondages qui, croit-il, peut-être à raison, menacent l'art de demain.
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