Dès les premières phrases, j'ai été happée dans la tourmente : ce « grand blanc », cet univers glacé, ce « néant » où seule une petite flamme survit au milieu de nulle part : un camp sur la presqu'île de
Solak, dans le cercle polaire arctique.
Un huis clos haletant ou comment se faire enfermer dans une immensité ?
Le récit se passe à la 1° personne : Piotr, l'un des militaires chargés de la « sécurité » du camp. Il est accompagné de Roq, et il y avait Igor… avant… Trois militaires pour épauler, seconder, protéger un scientifique : Grizzly. Après le suicide de Igor, il a bien fallu le remplacer… c'est là que commence ce récit, avec l'arrivée du « gamin ».
Caroline Hinault nous embarque dans ce huis clos au milieu de la banquise polaire.
Du « langage parlé », « cru », aiguisé comme un coutelas ;
Des phrases qui s'allongent comme on pense, avec des digressions inattendues et des descriptions imagées.
« Les journées étaient de vraies bouteilles de lait pleines, rien à en dire sinon que c'était blanc, épais, et que ça maintenait nos corps en vie »
Tout est froid, tout est glace, tout est polaire, y compris le vocabulaire
« Des yeux comme deux brochettes de glaçons »
Difficile d'extraire une « citation » sauf à copier le livre entier !
Chaque mot est choisi, cru, ciselé, taillé au coutelas et chaque mot fait mouche, résonne en nous.
Chaque phrase qui laisserait au lecteur un petit semblant de « joie » ou d'« espoir » d'une éclaircie dans cette atmosphère oppressante glisse peu à peu vers des mots de tristesse, de mélancolie, et finalement de colère puis de haine, comme si aucune lueur ne pouvait jamais survivre dans cette zone ingrate.
Une parenthèse ouverte dans cet infini glacé, comme une plongée en apnée… mais une apnée ne peut durer le temps d'une nuit polaire !
En plein paradoxe, je me suis vue à la fois, prise d'une envie furieuse de sortir de cet univers aseptisé par le froid mais incapable de lâcher ce livre.
Ce roman m'a « mis les poils », comme on dit, non par l'évocation des températures extrêmes 😉 , mais par le ressenti d'une émotion à l'état pur comme lors de l'écoute d'une oeuvre musicale qui nous prend aux tripes par sa puissance ou son intensité.
Merci à tous les lecteurs qui m'ont précédée et dont les chroniques m'ont donné envie de découvrir ce roman.
Lancez-vous sans hésiter à votre tour !