Je vis dans une maison étrange et triste, en compagnie de beaucoup de gens gravement malades, je suis encore le moins malade d'entre eux.
Tu es vraiment bonne Magda. Si seulement tu n’étais pas aussi férocement compétente !
Et lentement, parmi tous ces idiots, tu deviens toi-même idiot.
J’ai déjà tenu le fruit de mon travail entre mes mains, et me voilà pourtant ici seul et solitaire et je me suis encore une fois privé de tout ce à quoi j’étais parvenu. Quelque chose en moi n’a jamais été achevé complètement, quelque chose me manque qui fait que je ne suis pas un homme véritable, juste un être humain devenu vieux.
J’avais bu tout le vin rouge et il n’y avait rien d’autre dans la maison. Il manque toujours quelque chose au bonheur de l’homme, nous ne sommes jamais vraiment satisfaits. Pourtant cette nuit-là, je trouvai ce que je cherchais. Dans le cellier, derrière les ingrédients pour préparer les gâteaux, une bouteille de rhum pour stériliser les gelées, à moitié pleine. Également une bouteille de porto pour la soupe à la queue de bœuf. Et même du fine old Cherry. Je débouchai les bouteilles et les installai devant moi. Et puis je me mis à boire.
Ses larmes ne m’émurent pas, au contraire, elles me firent du bien. C’était un sentiment très doux qu’elle puisse encore souffrir à cause de moi.
Dans le miroir, j’observai avec une volupté cruelle mon visage couvert d’une vieille barbe de poils drus. Il semblait gonflé et pourtant décharné, ou comme consumé. C’est ainsi que l’on s’autodétruit, pensai-je en jubilant.
On peut s’observer tant qu’on veut dans le miroir, palper ses vêtements un à un, vérifier chaque bouton – on n’est jamais certain, quand on a bu, de ne pas avoir tout de même omis quelque chose, quelque chose d’évident, qui paraît au grand jour et que l’on rate pourtant systématiquement.
Comme tu étais limitée, femme. On te cherchait constamment au-delà de toi-même, toujours. Quand on croyait t’avoir atteinte, se trouvait-on tout à fait ailleurs. Cette amante [la morphine] est véritablement en moi. elle emplit mon cerveau d’une lumière vive et claire, dans son éclat je reconnais que tout est vain et que je vis uniquement pour jouir de cette extase. Elle habite dans mon corps, et je ne suis plus un misérable animal sexuel, qui dans l’épuisement mat, insatisfait et sauvage, désire encore l’autre.