Je noue le "hachimaki" aux couleurs de notre Japon éternel autour de mon casque. J'effectue ce geste avec lenteur et solennité, sans pensées, sans émotions. Le froid dans les veines, le temps s'est arrêté, je suis une fleur de cerisier poussée par le vent. Ai-je le choix? Ai-je eu le choix il y a un mois quand nous avons été réunis par les officiers au petit matin sur la base aéronautique? Le soleil se levait, rond et rouge, l'image du drapeau impérial. Ils ont annoncé que notre escadrille se portait volontaire pour devenir des "Kikusui", des chrysanthèmes volants. C'est le nom poétique donné au sacrifice d'un avion et de son pilote sur un navire ennemi.
Je noue le " hachimaki " aux couleurs de notre Japon éternel autour de mon casque. J'effectue ce geste avec lenteur et solennité, sans pensées, sans émotions. Le froid dans mes veines, le temps s'est arrêté, je suis une fleur de cerisier poussée par le vent.
Aucune émotion ne surpasse celle de voler, de diriger son appareil au gré de son inspiration, de disparaître dans le songe vaporeux des nuages. Moins je vois la terre, plus je me sens léger.
Nous sommes appelés à devenir des « fleurs de cerisier ».
Le sakura, fleur symbole du Japon. Elle s’épanouit au printemps et le souffle du vent suffit à l’emporter. Vivre telle une efflorescence printanière serait donc croître et disparaître au paroxysme de la jeunesse. Laissant dans l’air le souvenir de sa beauté éphémère.
Nous deviendrons des végétaux délicats, des corolles époustouflantes sous lesquelles les futurs mariés joignent leurs mains.
Le Hagakure rappelle que les samouraïs doivent posséder dans leur besace de la poudre de riz afin qu’en cas de trépas ils puissent veiller à avoir dans la mort le teint du cerisier en fleur.
Nous deviendrons l’image même de la fragilité qui vit le temps d’un soupir et meurt avec légèreté.
Nous changerons d’état, abandonnant la lourdeur de l’enveloppe humaine pour abriter en nous la sève végétale, pour nous remplir de leur couleur délicate et voler, voler jusqu’à la désintégration.
Je dois beaucoup à ma grand-mère. C'est elle qui m'a élevé de mes quatre à mes seize ans. Elle est issue d'une vieille famille de samouraïs dont elle tient sa rigidité. Elle m'a familiarisé très tôt avec le bushido. Dans son esprit, rien n'équivaut la beauté et la rigueur de ce code qui exige de ses combattants liés à leur maître loyauté et honneur jusqu'à la mort.
Nous (jeunes soldats kamikaze) sommes appelés à devenir des « fleurs de cerisier ».
Le sakura, fleur symbole du Japon. Elle s’épanouit au printemps et le souffle du vent suffit à l’emporter. Vivre telle une efflorescence printanière serait donc croître et disparaître au paroxysme de sa jeunesse. Laissant dans l’air le souvenir de sa beauté éphémère.
Pour la première fois, je ressemble aux garçons de mon âge. J'appartiens à un groupe. Mes phrases commencent souvent par "nous", moins par "je". Une sensation de solidité m'habite. (p. 69)
Beaucoup de mes camarades sont déjà partis de notre base, leur esprit vole au vent, ils sont aujourd’hui parmi les ancêtres, auprès des samouraïs du ciel, en compagnie des guerriers des époques anciennes.
Au milieu de mes insomnies, je m'angoisse . Et si cette technique de guerre visait moins à sauver le Yamato qu'à traumatiser les Américains par nos suicides ? Les terroriser pour qu'ils commettent des erreurs tactiques dont nous pourrions tirer bénéfice. Ou simplement les marquer à vie par notre volonté de mourir. (p. 86)
Il n'y a rien d'honorable à mourir pour une cause perdue.