Burton & Swinburne dans l'étrange cas de l'homme mécanique

- Pour commencer, fit -il sur un ton méprisant, il n'y a strictement aucune preuve empirique que le cœur soit le siège des émotions. Ensuite, même si c'est le cas, elles sont totalement inutiles ! Qu'accomplissent les émotions, à part blesser, fâcher, affaiblir et donner force aux instincts les plus primitifs et animaux de l'humanité ? Vous n'allez quand même pas me faire un sermon sur la majesté de l'amour ?

-Excusez-moi, fit une voix raffinée. ( Krishnamurthy se retourna vers le Débauché qui se tenait à côté de lui.) Comment fait-on, mon vieux?
Le commandant recula.
-Quoi?demanda-t-il.
Le Débauché, qui n'était apparemment pas mort depuis longtemps, expliqua:
- Le problème, c'est que vous n'êtes pas mort. Malheureusement, moi si. J'ai le regret de vous dire que je me vois donc dans l'obligation de prendre votre vie. Mais ce que je n'arrive pas à déterminer, c'est à quel endroit je dois la chercher, une fois que je vous aurai transpercé. (Il montra sa rapière à Krishnamurthy.) Un conseil?
Le chef de la Brigade volante regarda la pointe de l'épée, qui était à sept ou huit centimètres de son visage.
- Euh...
La tête du Débauché éclata, sa rapière tomba, et son corps s'affaissa.
- Bon sang! commandant! on n'est pas en train de débattre au club!grogna Trounce, debout au-dessus du corps inerte.
Il fit volte-face et repartit à grands pas dans la brume en criant des ordres et des encouragements à ses hommes.
- Gros arrogant, grommela-t-il.

- Ma parole! s'exclama Swinburne. Qu'est-il arrivé à votre barbe?
- Elle a été victime de ma vanité, reconnut Burton. J'en avais assez de voir un nid d'oiseau fourchu dans le miroir.

Ces temps-ci, je m'intéresse davantage aux motivations sous-jacentes, aux raisons qui poussent un homme à se laisser guider de plein gré par un dieu dont l'existence est, au mieux, impossible à prouver et, au pire, une invention manifeste. Il me semble qu'à notre époque de rapides progrès scientifiques et industriels, rassembler des connaissances est devenu une perspective trop intimidante pour l'homme moyen, qui préfère donc fuir le savoir au profit de la loi. La foi, elle, ne requiert qu'une adhésion aveugle, alors que le savoir exige de puiser continuellement dans un corpus en expansion constante. Avec la foi, au moins, on peut prétendre savoir sans avoir à travailler dur pour apprendre!