Quel effet peut avoir l'arrivée inopinée d'une jeune fille du Nevada dans un petit village anglais somnolant depuis des lustres dans les plus strictes traditions puritaines du XIXe siècle ?
À Slowbridge, toute nouveauté est perçue avec force crainte, voire même avec des peurs irraisonnées de la part de ses habitants. Il y eu déjà, peu de temps auparavant, ce jeune homme venu avec son projet de construction de nouveaux moulins. Cet inquiétant changement devait, sans l'ombre d'un doute, n'apporter que de mauvaises choses, y compris des meurtres à venir ! La vénérable lady Théobald qui supervise avec autorité la petite communauté de la bourgade s'est pourtant bien trompée sur les malveillances qui devaient découler de cette nouveauté.
Mais voilà qu'une autre menace débarque chez miss Belinda, qui plus est juste avant l'heure du thé, mettant en péril les rouages horaires extrêmement bien huilés de ses journées de vieille fille. Son frère avait émigré aux États-Unis trente ans en arrière et voilà que sa fille Octavia vient frapper à la porte de sa tante qui n'en finit pas de trembler face à cette jeune fille américaine dont l'allure si élégante est si éloignée de toutes les apparences des anglaises de Slowbridge. Que va penser l'intransigeante lady Théobald de cette créature tout droit venue d'un pays au laxisme si déplorable ?
France Hodgson Burnett nous dépeint ici, sous le signe humoristique, les contrastes de deux mondes et l'incompréhension totale des deux parties vis-à-vis d'attitudes qui n'ont pourtant absolument rien de choquant pour nous, lecteurs d'aujourd'hui ! C'est de ce décalage que découle tout le plaisir de cette lecture fraîche, simple, ironique et délicieusement anglaise. À l'époque déjà (le livre fut écrit en 1881) c'est réjouissant de constater les différences marquantes des comportements : autre pays, autre éducation, autres moeurs.
D'un point de vue purement vestimentaire, Octavia, bien loin d'être prétentieuse, ne porte tout naturellement que de somptueuses toilettes et quelques bijoux incrustés de diamants. Ses robes, avec des quantités de dentelles, contrastent avec la sobriété extrême des tenues sombres, toutes confectionnées par la même maison, des femmes de Slowbridge.
La franchise d'Octavia viendra révolutionner la vie bien catéchisée du village et ouvrira les yeux de Lucia, petite-fille complètement brimée de la redoutable lady Théobald. Et cette dernière verra son autorité mise à mal par le désir de franchise et de courage qui bouillonne dans le tempérament jusqu'ici si obéissant de sa petite-fille.
Angleterre oblige, ce sera dans les rituelles invitations aux différents thés (avec muffins bien beurrés svp !) donnés au sein de ce microcosme, que les gens s'observent, se jugent, se fréquentent ou se méprennent sur les intentions des uns et des autres. La monumentale importance de l'opinion publique n'effleure même pas l'esprit libre d'Octavia et par conséquent elle se verra injustement accusée de conduite impudente. Les inconvenances anglaises sont bien inconnues de la candide Américaine !
C'est une lecture tout à fait plaisante, courte et dynamique, qui décrit avec beaucoup d'esprit la rigidité sociale de la campagne anglaise de l'époque. Octavia viendra soulever le doute sur ces prétendues bonnes manières et cette vision sclérosée de la bonne éducation. Elle amènera un petit vent de liberté, d'affirmation de sa personnalité en montrant qu'il n'est pas forcément nécessaire de répondre aux codes imposés dans cette vieille Angleterre pour être une personne honorable, pleine de qualités morales.
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