J'aurais aimé vivre à une époque où les gens croyaient encore que le coeur était l'organe central contenant tous les souvenirs, les émotions, la capacités, les défauts et les qualités qui font de nous des individus spécifiques. J'avais envie de retourner à cette période d'ignorance avant que le coeur perde son statut et soit réduit à un organe vital mais remplaçable parmi d'autres.
Pour celui qui n'a jamais fait l'expérience de la proximité d'un animal ou n'y a jamais attaché grande importance, il est peut-être difficile de comprendre qu'un chien puisse vous manquer au point que son absence soit littéralement douloureuse. Toutefois, la relation avec un animal est bien plus physique que celle qui vous lie à une personne. On n'apprend pas à connaitre un chien en lui demandant d'exprimer ce qu'il éprouve ou ce qu'il pense, mais en l'observant et en apprenant à interpréter son langage corporelle Par ailleurs, toutes les choses importantes que vous souhaitez lui communiquer, vous devez les lui montrer à travers vos actions, votre attitude, vos gestes et des sons.
Les gens, par contre, sont toujours accessibles par le langage. Un pont de mots se construit facilement entre êtres humains, un pont d'informations, d'explications et de propos rassurants.
L'essai du médicament antidépresseur m'imposa une nouvelle routine. Trois fois par jour - matin, midi et soir - je devais me rendre au laboratoire n°3 au niveau K1 pour ingérer un petit comprimé jaune. Cela perturbait mon emploi du temps, surtout le matin, car il me fallait interrompre mon processus d'écriture. (...)
C'était assez irritant, mais ce qui me dérangeait beaucoup plus était le sentiment qu'on n'avait pas confiance en moi, d'être traitée comme une enfant à problèmes, une tricheuse, une rebelle.
Je trouvais dégradant d'être obligée de me tenir la bouche ouverte devant l'infirmier (...) Ma dignité en prenait un sacré coup à chaque fois que je devais subir ce rituel.
« Les gens qui lisent tendent à être superflus. À l’extrême. » (p. 65)
À l'intérieur de l'Unité, la seule alternance est celle des jours et des nuits, obscurité et lumière. Dans le jardin d'hiver, tout est en bourgeons ou en fleurs, rien ne se flétrit, fane ou meurt. Ce n'est jamais l'hiver dans ce jardin d'hiver.
Aimer et abandonner ne vont pas ensemble.
J'avais toujours accordé grand prix au temps et considéré chaque personne comme un individu, qui ne se réduisait pas à n'importe qui apte à me tenir compagnie. Jamais auparavant, je n'avais apprécié la compagnie en elle-même, ni le bavardage d'ailleurs. A présent, je notais qu'il exerçait un effet apaisant, telle une compresse froide appliqué sur une cheville foulée, limitant l’œdème et l’hématome.
Je sais que ça paraît fou, mais c'est tout simplement comme ça que la psyché fonctionne : on ne voit généralement que ce qu'on est préparé à voir, ce qu'on s'attend à voir.
Notre vie quotidienne dans l'Unité de la banque de réserve tournait vraiment autour d'expérimentations scientifiques sur des spécimens humains. C'était essentiellement à cela que nous étions utilisés en réalité. Ils s'efforçaient de nous maintenir en vie aussi longtemps que possible et certains individus en pleine forme avaient vécus six ou sept ans à l'Unité avant leur don final.
- Ma vie ne m'appartient pas du tout, elle appartient à d'autres.
- A qui ? demanda Arnold.
- Ceux qui détiennent le pouvoir, je suppose.
- Et de qui s'agit-il ?
- De nos dirigeants, bien sûr.
- Et qui sont nos dirigeants ?
- Euh... nous ne le savons pas vraiment. L'Etat, ou l'industrie, ou le capitalisme. Ou les media. Ou les quatre