Citations sur Propos sur la racine des légumes (36)
Les hommes sont prisonniers de leur désir de gloire et de profit et se plaignent à tout propos de vivre dans un monde de poussière, dans un océan d'amertume. Ils ignorent les blancs nuages et les montagne vertes, les ruisseaux coulant entre des pierres, les oiseaux chantant parmi les fleurs, les chants de bûcherons qui se répondent par les vallées.
Non, le monde n'est pas que poussière, l'amertume n'emplit pas les mers. C'est le coeur des hommes qui en est plein.
[...]
Mieux vaut être inapte* et préserver sa nature vraie dans la liberté que d'être capable et s'épuiser au travail en récoltant l'ingratitude.
(Livre I - n°55, p.38)
*Eloge de l'inutilité apparente, inspiré du taoïsme. On lit par exemple dans le Laozi (ch.XLV) : "L'habileté supérieure semble inhabile." Ce peut être aussi affirmé en esthétique comme un charme sans apprêt.
Déguiser son habileté en inaptitude, exercer sa sagesse sous des dehors obtus, abriter son intégrité derrière quelques compromis, se courber parfois pour mieux se redresser : voilà la planche de salut qui permet de naviguer dans le monde, voilà le triple refuge* où se mettre en lieu sûr.
(Livre I - n°116, p.58)
*Allusion au proverbe : "Le lièvre malin a trois terriers." L'apparence maladroite ou stupide est un thème taoïste (cf. note I, 55).
[...] Il faut avoir gardé le silence pour savoir qu'on s'épuise à trop parler.
(Livre I - n°32, p.31)
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Pour dominer les contrariétés, commençons par notre propre humeur. Si elle reste impassible devant les contrariétés, celles-ci n'auront pas prise sur nous.
(Livre I - n°38, p.33)
Lorsque la lampe faiblit et que les voix de l'univers se taisent, c'est le moment pour nous de trouver le calme.
Lorsque les rêves de l'aube se dissipent et que le monde ne s'agite pas encore, c'est le moment de sortir de la torpeur.
Si nous profitons de ces instants pour entrevoir notre nature réelle et ouvrir notre cœur à la lumière*, nous comprenons alors que nos sens sont des carcans qui nous emprisonnent et nos passions des machines qui nous commandent.
(Livre I - n°146, p.68)
* Expression bouddhique qui signifie "réfléchir la lumière en soi". Cf 'Entretiens de Lin-tsi' : "retourner sa vision vers soi-même" (l’œil étant conçu comme lumière) (trad. P. Demiéville, Fayard, 1972).
Il faut être pur tout en sachant être tolérant, être bon tout en étant lucide dans ses jugements, être strict sans être inhumain, redresser sans courber en sens inverse.
Pour la même raison les fruits confits ne doivent pas être trop sucrés ou les produits de la mer trop salés.
C'est là que réside la parfaite vertu
Il n'y a rien de prodigieux dans une oeuvre littéraire qui atteint la perfection. Elle trouve là sa nature spontanée.
Il n'y a rien d'extraordinaire dans une conduite humaine qui atteint la perfection. Elle trouve là sa nature originelle.
Les tempéraments impatients sont un feu qui brûle tout ce qu'il touche. Les cœurs secs sont une glace qui gèle tout ce qu'elle touche.
Les gens qui se figent dans leur obstination sont comme de l'eau stagnante ou du bois mort. La vie est tarie en eux, il peuvent difficilement faire œuvre qui vaille ou apporter du bonheur autour d'eux.
(I-69, p.43)
Le cœur humain est inconstant, les routes du monde sont escarpées. Quand on est arrêté par un obstacle, il faut connaître l'art de reculer d'un pas. Quand on avance sans obstacle, il faut avoir le mérite de ne pas occuper toute la place.
(I-35, p.32)