La cruauté n'a ni couleur de peau, ni religion.
Je ne reviendrai pas en arrière. Plus maintenant. Plus jamais.
– Tu te trompes, les Aryens sont tous blonds avec des yeux bleus. C’est la sélection qui fait que…
– Oui, la sélection… T’es-tu un jour posée la question de savoir ce que devenaient les gens qui ne correspondaient plus à vos critères passé un certain âge ? Ceux dont les cheveux virent au brun, ceux dont les iris changent ? Des bébés, des enfants… Qu’en faites-vous, dis-le-moi ?
[…]
– Nous préservons notre race, nous ne faisons rien de mal.
– C’est ça, rien de mal… La vérité, c’est que tu n’en sais rien, tu te contentes de voir et de croire ce qu’on veut bien te montrer et te dire parce que c’est plus facile de vivre comme ça. Mais ces gens-là, peu importe leur âge, s’ils sortent des normes en vigueur, ton Führer les fait exécuter. Comment peux-tu cautionner le meurtre de personnes au nom de leur différence, même parmi les tiens ?
J'observe les passants sur les trottoirs. Ils marchent d'un pas cadencé et ressemblent à des automates dont les silhouettes se reflètent sur les parois en verre teinté des immeubles. Leurs visages sont inexpressifs, leur regard fixé droit devant eux. Les premiers rayons de soleil donnent l'impression que leurs cheveux blonds sont comme des miroirs qui captent et absorbent la lumière.
Ce soir est peut-être ma dernière nuit. Irai-je au paradis ou en enfer ? En enfer, si j'en crois ce que raconte Élias au sujet des exactions perpétrées par mon peuple et dont je ne connais rien, à vrai dire. Je songe à nouveau à ses paroles sur ce que les Aryens auraient fait par le passé, mais je ne me sens pas le moins du monde responsable parce que je n’ai pas choisi d’adopter les préceptes de mon peuple plutôt que ceux d’un autre, je suis née dedans, c’est tout. À cette dernière pensée, je laisse couler une larme sur ma joue sous le regard insistant d’Élias. Je ne sais même pas pourquoi je pleure.
- Tu te trompes, les Aryens sont tous blonds avec des yeux bleus. C'est la sélection qui fait que...
- Oui, la sélection... T'es-tu un jour posée la question de savoir ce que devenaient les gens qui ne correspondaient plus à vos critères passé un certain âge ? Ceux dont les cheveux virent au brun, ceux dont les iris changent ? Des bébés, des enfants... Qu'en faites-vous, dis-le-moi ?
[...]
- Nous préservons notre race, nous ne faisons rien de mal.
- C'est ça, rien de mal... La vérité, c'est que tu n'en sais rien, tu te contentes de voir et de croire ce qu'on veut bien te montrer et te dire parce que c'est plus facile de vivre comme ça. Mais ces gens-là, peu importe leur âge, s'ils sortent des normes en vigueur, ton Führer les fait exécuter. Comment peux-tu cautionner le meurtre de personnes au nom de leur différence, même parmi les tiens ?
En vérité, nous nous devons seulement de changer les choses comme nous désirons qu'elles le soient. Modifier le présent, c'est éradiquer tout ce en quoi nous ne croyons plus.
J’observe son profil, son front haut, son nez bien dessiné et ses lèvres. J’ai envie de poser ma main sur sa joue, de sentir sa peau légèrement râpeuse alors qu’un début de barbe englobe son menton, mais je ne le fais pas. Parce que c’est interdit. Parce qu’il n’est pas comme moi. Parce qu’on m’a appris à détester les gens comme lui.
"Pour la première fois de ma vie, je me demande si nos actes sont réellement légitimes et s'il n'existe qu'une seule façon de voir et de faire les choses. Avons-nous le droit de décider qui doit vivre ou mourir pour une question de race ?"
On ne peut pas rester caché pendant près de deux siècles sans un jour avoir envie de regarder le soleil en face.