Transformer son matériau de lobbying en science labellisée, lui appliquer cette couche de vernis de la respectabilité académique, le rendre légitime aux yeux des décideurs et de la communauté scientifique qui ne connaît pas précisément le sujet, diffuser sa propagande en se parant des habits de la science avec un grand "S" : voilà l'effet magique de la publication dans une revue. On connaît le blanchissement d'argent qui réinjecte dans le circuit légal des fonds d'origine suspecte. On connaît le greenwashing qui réhabilite par l'écologie l'image abîmée d'une entreprise polluante. On pourrait donc appeler "sciencewashing" le processus qui consiste à métamorphoser un matériau de lobbying à fonction commerciale en article scientifique.
Rares sont les décideurs diplômés en biologie moléculaire ou en toxicologie. Peu sont familiers avec les principes scientifiques de base. Guère s'aventurent à lire la littérature savante. Pour un certain nombre d'entre eux, d'ailleurs, cela serait avant tout une épreuve d'anglais. Cela ne fait pas d'eux des imbéciles pour autant. Cela fait simplement d'eux des proies faciles pour les influenceurs professionels. L'industrie l'a compris il y a fort logtemps : puisque la transmission du savoir scientifique vers les responsables publics suppose des intermédiaires, elle occupe cette place, maillon essentiel de la "capture du régulateur". Rien de plus facile que de jouer au bonneteau avec la cervelle d'un décideur sur des questions scientifiques.
Les initiatives de prévention des maladies non transmissibles vont à l'encontre des intérêts financiers de puissants opérateurs économiques. C'est selon moi l'un des plus grands défis auxquels la promotion de la santé doit faire face. (...) Il ne s'agit plus seulement de Big Tobacco. La santé publique doit aussi composer avec Big Food, Big Soda et Big Alcohol. Toutes ces industries craignent la réglementation et se protègent en recourant aux mêmes tactiques que des travaux de recherche ont bien documentées. Elles incluent groupes paravents, lobbies, promesses d'autorégulation, procés et recherches financées par l'industrie pour créer la confusion dans le niveau des preuves et entretenir le doute au sein du public. Leurs tactiques incluent également cadeaux, bourses et contributions à des causes qui donnent à ces industriels le beau rôle de citoyens respectables aux yeux des décideurs politiques et du public. Elles incluent des arguments qui font reposer la responsibilité du préjudice à la santé sur les individus et dépeignent l'action des gouvernements comme des interférences dans la liberté personnelle et le libre choix.
Margaret CHAN, Directrice Générale de l'OMS, 2013
La revue présente des articles à propos de décisions réglementaires et de l'interprétation de connaissances scientifiques qui influencent les décisions réglementaires. Telle est la description succincte que fait regulatory Toxicology and pharmacology de sa ligne éditoriale sur la page d'accueil de son site.