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Critique de Brooklyn_by_the_sea


Curieuse expérience que la lecture de ce court récit, écrit en 1938 par un auteur qui mourra la même année sur les Champs-Elysées, frappé par une branche d'arbre lors d'une tornade ( ! ).

Sur 150 pages, on suit l'évolution intellectuelle d'un narrateur anonyme, jeune chômeur miséreux qui trouve un sens à son existence en intégrant l'armée. Sans que cela soit jamais précisé, on sait que l'on est dans l'Allemagne nazie d'avant-guerre ; et plus que les aventures de ce jeune soldat, c'est leur contexte qui rend ce livre si particulier.
Car la force d'Odön von Horvath est de décrire le nazisme de l'intérieur, ses rouages et ses mirages, sans jamais s'appesantir sur les détails, sans jamais dénoncer frontalement ; tout n'est qu'ombres, regards et ricanements, comme dans un film expressionniste en noir et blanc. D'ailleurs, les freaks sont nombreux dans ce récit, entre monstres de foire et éclopés de guerre, mais leur apparence est moins effrayante que ce qui gangrène l'esprit d'un peuple qui renonce à penser et consent à nier l'individu. Ecrire cela en 1938 était courageux ; le lire en 2022 fait frissonner, tant les similitudes avec notre époque peuvent interpeler. En outre, j'ai été surprise par les considérations anti-capitalistes de l'auteur : "L'individu ne joue plus aucun rôle (...). Nous devons être rentables, la lutte commerciale est aussi une guerre, mon cher Monsieur (...)". Bigre, ce roman est décidément toujours d'actualité !
J'ai bien aimé le style de Horvath, qui était surtout dramaturge. Les phrases sont courtes, elles se conjuguent au présent comme si on était éternellement dans la tête du narrateur, qui est d'une franchise déroutante, doublée d'une morgue inhérente à la jeunesse. C'est parfois déstabilisant, mais le propre d'un bon livre n'est-il pas de bousculer le lecteur ?

"Un fils de notre temps" est un récit noir, mais fascinant et jamais plombant. La seule chose gênante, à mes yeux, est la contemporanéité de son titre ; le lire et le faire lire en cette année électorale pourrait être une bonne idée.
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