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Critique de Takalirsa


Sur les conseils d'un collègue, je redécouvre Houellebecq 25 ans après ses premiers écrits qui m'avaient à l'époque profondément ennuyée. J'ai trouvé ce roman assez drôle, il donne une vision très ironique des artistes et du monde de l'art. On a l'impression que celui-ci tient à peu de choses… Jed Martin lui-même, qui suit ses envies du moment, n'est pas sûr de pouvoir qualifier « d'art » ses productions. Ce sont souvent les critiques qui, par l'intellectualisation de ce qu'ils croient (perce)voir, attribuent à l'artiste des intentions nobles qu'il n'avait pas au départ. On lui conseille d'ailleurs de s'exprimer le moins possible pendant l'inauguration de ses expositions... C'est ainsi que Jed Martin obtient le succès à partir de photographies de cartes Michelin et de peintures de contemporains célèbres (« Bill Gates et Steve Jobs s'entretenant du futur de l'informatique »). En devenant célèbre avec des sujets aussi triviaux, l'artiste devient le symbole malgré lui de la superficialité et de l'opportunisme.

J'ai également beaucoup aimé la propre mise en scène de l'écrivain. Dans son livre, Houellebecq se décrit comme un écrivain misanthrope et alcoolique, faisant preuve d'une belle auto-dérision (ou un clin d'oeil à ses détracteurs). Houellebecq-personnage écrira néanmoins cinquante pages de préface aux photographies de Martin : belle mise en abyme de l'auteur qui, dans la fiction comme dans la réalité, donne épaisseur et sens à son héros. Il y a d'autres portraits déroutants (ha ha) dans l'histoire, comme celui de Beigbeder et de Jean-Pierre Pernault (« apologiste d'un progrès lent »).

On sent néanmoins la réflexion sociale et philosophique derrière la dérision : qu'est-ce qui détermine qu'un homme est un génie ou un raté ? Est-ce le créateur ou sa création qui prédomine (« Ce n'est pas une forme d'art particulier qui m'intéresse, c'est une personnalité ») ? Affirmer que « la carte est plus intéressante que le territoire » ne revient-il pas à dire que les représentations humaines sont plus instructives que la réalité brute ?
Houellebecq-écrivain joue avec nous tout du long, dans le fond comme dans la forme (j'ai trouvé agaçante sa manie de glisser des descriptions documentaires en plein récit). La dernière partie, qui s'apparente à une enquête policière, dénote un peu. On aime ou on n'aime pas, mais la lecture ne laisse pas indifférent·e. Et ça, à mon sens, c'est le signe d'une oeuvre réussie.
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