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Critique de Levant


Une petite bouffée d'optimisme version Houellebecq pour commencer ?
"Dans les cimetières du monde entier, les humains récemment décédés continuèrent à pourrir dans leurs tombes, à se transformer peu à peu en squelette." Page 244 édition Folio.
Le ton est donné. Bonne lecture à vous.

Mais, hauts les coeurs, il faut rebondir comme on dit de nos jours. Regonfler les troupes et tenter avec notre sémillant auteur frigorifié d'identifier quels remèdes peuvent être prescrits contre l'angoisse de la mort. Puisqu'il s'agit encore et toujours de cela. On n'en connaissait traditionnellement que deux : la religion et la philosophie. Michel Houellebecq nous en fera-t-il découvrir d'autres ?

La première a prévu tous les scénarios pour expliquer à la créature intelligente d'où elle vient et où elle va. Lui garantissant en prime l'éternité. le problème c'est que sa version de l'éternité passe par le trépas. Mais son service communication est très efficace. La conviction c'est son rayon, la félicité est à la clé. Malgré cela on imagine bien qu'il puisse subsister quelques sceptiques. Les indécrottables athées et autres agnostiques pour qui la religion n'est d'aucun secours puisque force est de constater que les preuves font défaut. Même s'ils reconnaissent avec Houellebecq que le monde ne saurait être sans religion. Il n'en reste pas moins qu'il y a de la concurrence sur le créneau et qu'en pareille circonstance la démarche commerciale pour appâter le chaland aura pu se faire à grands coups de bûcher, lapidation et autre autodafé. Celles qui prônent l'amour de son prochain, les trois grandes monothéistes se revendiquant du Livre, ont des pratiques concurrentielles agressives et ne sont en effet pas tendres avec les brebis égarées. En observateur éclairé, Michel Houellebecq serait plus porté vers une ferveur alternative réputée plus douce : le bouddhisme. Elle est peut être de nature à apaiser le pénitent mais à toutefois des chances de rebuter le jouisseur des temps modernes pour qui le bol de riz gluant est un tantinet frugal.

La philosophie, dont Montaigne nous ressasse qu'elle est recette pour apprendre à mourir, serait donc aussi un remède, non contre la mort, mais contre l'angoisse qui va avec. Là aussi, depuis que l'écriture a laissé des traces de leurs travaux, on constate que les précepteurs en la matière sont légion. Mais force est de convenir que les chemins de l'apprentissage sont obscurs et tortueux et on va bien l'avouer peu accessibles à la multitude ignorante. Toutes les théories en "isme" cheminant parfois aux confins du mystique, en se gardant bien de franchir la ligne, concoctées et relayées par ce qu'il convient bien d'appeler des penseurs à nous convaincre de l'absurdité de la vie, condescendent fort peu à la vulgarisation et ont de fortes chances de laisser sur le bord du chemin beaucoup d'âmes en peine avec leur lot d'angoisse sur les bras.

Quelle échappatoire alors à ces remèdes qui ont, il faut en convenir un fort taux d'échecs ? Houellebecq nous en propose deux autres : le sexe et la science.
Sexothérapie donc pour le premier. Discipline qui pour le coup ne traiterait pas des maladies sexuelles, mais soulagerait de l'angoisse de la mort par le sexe. Cette thérapie présente toutefois l'inconvénient de nécessiter d'une part l'intervention d'un ou plusieurs partenaires consentants de préférence, identiquement angoissés ou non. Sauf à tomber dans le satanisme pervers dont Houellebecq nous offre de bonnes tranches dans son ouvrage. Thérapie qui a en sa défaveur le grand inconvénient de perdre en efficacité au moment où on en a le plus besoin puisque les capacités à se distraire de la mort par le sexe s'amenuisent au fur et à mesure qu'on s'en approche (de la mort, pas du sexe). C'est une hantise chez notre auteur à la prose sans allégorie. le grand travers de cette pratique étant que les praticiens les plus efficaces, les corps jeunes, se désintéressent des patients les plus à la demande, les corps sur le déclin. Au final, ça tourne à l'obsession chez ces derniers et a de grande chance de les conduire vers des établissements spécialisés pour calmer les fiévreux. C'est ce qui arrive à Bruno, l'un des deux protagonistes des Particules élémentaires. Il faut dire qu'il avait des circonstances atténuantes, à rechercher comme souvent dans une enfance quelque peu violentée.

Reste la science. Elle nous a jusqu'alors pas habitués à être le remède ultime. Mais avec un soupçon d'anticipation, nous arrivons en des temps où l'espoir pointe à l'horizon. Michel, le frère de Bruno, fonde beaucoup d'espoir dans cette voie. En particulier dans ce qu'elle serait à même d'identifier les causes du vieillissement et d'en venir à bout. Philosophie, religion, sexe, tout cela le laisse de marbre. A force de mettre les spirales d'ADN en algorithmes, il s'est auto auréolé du nimbe de clarté qui témoigne de la jonction des deux infinis. Il en arrive à imaginer une forme d'idéal dans lequel la sexualité serait déconnectée de la procréation. Pas de risque d'encombrement par une progéniture rebelle ou par trop dissipée. Et cerise sur le gâteau, excusez du peu, l'être nouveau serait doté de cellules de Krauze, - dont on nous dit qu'elles sont les récepteurs sensibles des organes sexuels tant masculins que féminins - sur l'ensemble de la surface de la peau. Autrement dit notre corps ne serait plus qu'orgasme au moindre effleurement, de la moindre poignée de main du matin par exemple. Elle ne serait pas belle la vie ?

Science sans jouissance n'est que ruine de l'homme. A moins que l'homme ait une âme, ce qui reste à prouver, et une relation avec le monde ce qui semble séparer Houellebecq de Pantagruel.
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